Première «technologie» adoptée par les êtres humains, le feu a toujours été aussi dangereux qu'il est indispensable, capable de se transformer en une seconde en un élément dévastateur et meurtrier. Dans la nuit de mercredi à hier, le feu a sévi dans les pires circonstances, au pire moment, s'en prenant aux plus vulnérables.

L'incendie a en effet débuté au beau milieu d'une nuit glaciale et venteuse dans un village protégé par une petite brigade de 16 pompiers volontaires. Dans les 52 unités de la Résidence du Havre, une construction de bois, dormaient des pensionnaires dont presque les trois quarts avaient plus de 85 ans, la majorité étant en outre en perte d'autonomie. Une étincelle. Et ce sera l'une des grandes tragédies de l'histoire du Québec.

On ne peut imaginer la peine de la population touchée.

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Alors que les ruines fumaient encore, il était évidemment trop tôt pour poser l'incontournable question: la tragédie de L'Isle-Verte aurait-elle pu être évitée?

Chose sûre, la Résidence du Havre était réputée pour être bien tenue, sécuritaire, apparemment conforme aux normes récentes, un endroit où il était agréable de vivre et une fierté pour les gens de ce coin de pays. S'élevant sur un site calme, non loin du fleuve, elle abritait aussi un CLSC et une pharmacie ouverts non seulement aux résidents, mais aussi aux 1500 citoyens de la municipalité.

Ce sont là des caractéristiques fort différentes de celles du Repos du Vieillard à Notre-Dame-du-Lac, dans le Témiscouata, qui avait flambé en 1969 en emportant dans la mort une quarantaine de personnes âgées. À l'époque, l'affaire avait éveillé les consciences quant aux conditions de sécurité dans les maisons de retraite. Car il faut apparemment des tragédies pour que cela arrive. Ce sont les 78 enfants morts en 1927 dans l'incendie du théâtre Laurier Palace, à Montréal, qui avaient convaincu l'État d'édicter des normes relatives à la sécurité des salles publiques.

En pareille circonstance, une autre phrase est en effet incontournable: il ne faut pas que cela se reproduise.

Or, la vision d'un univers sans accidents est utopique. Si le président du Regroupement québécois des résidences privées pour aînés, Yves Desjardins, croit que les normes ne sont pas assez sévères, il concède que le risque zéro n'existe pas. «On ne peut jamais l'annuler complètement», dit-il. La chance ou la malchance joue un grand rôle. Il y a moins d'un an, un incendie ravageait ainsi une résidence pour personnes âgées de Laval, mais les 79 pensionnaires s'en sortaient indemnes: le feu avait frappé à 18h et personne ne dormait...

Il reste qu'il y aura au Québec au cours des années qui viennent de plus en plus de personnes âgées, souvent à mobilité réduite, vulnérables. Il faudra faire tout ce qui est possible pour qu'une mort aussi terrible leur soit épargnée.