Ronnie Biggs est décédé, mercredi dernier, à l'âge de 84 ans. Ronnie qui?... Biggs. Ronnie Biggs. S'il est peu connu ici, l'homme a été pendant des décennies une vedette en Grande-Bretagne et au Brésil, où on se régalait de ses aventures rocambolesques et de la déconfiture de Scotland Yard.

Biggs était un criminel, en effet, membre du gang qui a attaqué le train postal Glasgow-Londres, le 8 août 1963. The Great Train Robbery, comme la presse et le cinéma allaient désigner l'événement par la suite.

Ce fut le plus important braquage de tous les temps, réalisé (presque) sans violence, faisant changer de mains une somme équivalente à 65 millions de dollars d'aujourd'hui, en petites coupures usagées et non marquées. Biggs sera appréhendé, mais s'évadera et s'enfuira au Brésil. Il reviendra mourir dans son pays après avoir été inlassablement pourchassé par un détective du Yard, Jack Slipper, que l'affaire a rendu célèbre lui aussi.

On a comparé le couple Biggs-Slipper aux Valjean-Javert des Misérables de Victor Hugo. Biggs lui-même était une sorte d'Arsène Lupin, bel homme, charmeur, affamé de notoriété, sorte de diva du crime qui ira jusqu'à s'associer aux Sex Pistols, le temps d'un film, et au groupe rock allemand Die Toten Hosen, le temps d'une chanson.

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Le crime fascine. Certains criminels encore plus. Et cette fascination se décline en réalités très diverses.

D'abord, il y a l'attirance qu'exerce la marginalité sous toutes ses formes, qu'elle soit bénigne comme l'itinérance, ou létale comme la violence politique. Dans ce dernier cas, on connaît la vénération quasi-religieuse que certains manifestent à l'endroit de ceux qui ont tué au nom de leurs convictions, d'Ernesto Guevara à Oussama ben Laden. De même, parce qu'on les considère comme des êtres à part, les artistes bénéficient d'une clémence exceptionnelle - voir les cas de Roman Polanski ou de Bertrand Cantat.

Ensuite, existe la satisfaction de voir la loi et l'ordre (le « système », en somme) être bafoués par des individus audacieux. C'est le syndrome Robin des Bois, lequel non seulement se moquait de l'autorité, mais redistribuait la richesse! Au Québec, Jacques Mesrine (venu de France), Lucien Rivard, Richard Blass, Monica Proietti, dite « la Mitraille », même s'ils partageaient assez peu leur butin (!), ont été des habitués de la une des journaux et survivent par le cinéma. Aujourd'hui, le hacker, ou pirate informatique, version contemporaine du Lupin cambrioleur, a la cote.

Enfin, il y a l'attirance sexuelle, à laquelle on a trouvé un nom savant, l'hybristophilie, plus courante qu'on le soupçonne depuis Henri Désiré Landru, le tueur de femmes qui, emprisonné, devait recevoir des centaines de demandes en mariage...

Au total, il s'agit d'un petit coin sombre de l'âme : frauder, voler, tuer, fréquenter l'amoralité par procuration est une source de plaisir qu'aucune loi ne parviendra à tarir.