L'homme est-il obsolète? Dépassé, désuet, caduc? La question sera débattue le 15 novembre par un panel de... quatre femmes dans le cadre des prestigieux Munk Debates, à Toronto. Toutes les places du Roy Thomson Hall sont vendues, mais l'événement sera diffusé en direct sur le web.

L'intérêt est grand, d'autant plus que les panélistes et leurs positions sont connues.

Oui, les hommes ont atteint leur date de péremption, estiment ainsi Hanna Rosin et Maureen Dowd. La première est journaliste et auteure de (notre traduction) La Fin des hommes. La seconde, chroniqueuse vedette au New York Times, a signé Les Hommes sont-ils nécessaires? Ce à quoi elle répond: «Nous avons besoin d'eux comme nous avons besoin de crème glacée»... un écho à la fameuse tirade popularisée par Gloria Steinem: «Les femmes ont besoin des hommes comme un poisson d'une bicyclette».

Dans le camp du non, Camille Paglia et Caitlin Moran entendent soutenir que l'homme pourrait encore avoir quelque utilité.

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Quelque utilité? Peut-être. Même si la publicité nous a convaincus que le mâle est devenu incapable ne serait-ce que d'installer une étagère. «Tu seras cornichon, mon fils!», résumait en 2009 le spécialiste de l'image Jean-Jacques Stréliski (dans Le Devoir).

Depuis, la pub s'est un peu distancée de cette forme de sexisme. Mais, dans la vraie vie, il s'est produit autre chose.

C'est tout le système de valeurs - encore elles! - qui s'est modifié, se fondant désormais sur l'intériorité, l'empathie, le subjectif, la conservation, la prudence (réalignement qu'avait pressenti il y a plus d'une décennie l'auteure féministe Susan Faludi).

Quant au «cornichon», il est de moins en moins instruit, moins actif sur le marché du travail, moins en santé que la femme. Inutile de remâcher les statistiques affolantes compilées à ce sujet tant au Canada (1er rang au monde pour la présence majoritaire des femmes à l'université) qu'aux États-Unis (80% des chômeurs fabriqués par la crise financière sont des hommes).

Et personne ne croit que cette tendance va s'inverser. Surtout pas le sociologue Michael Kimmel, spécialiste de la condition masculine.

Il signe Angry White Men, ouvrage qui sera disponible dès mardi, où il explique (dans un long extrait mis en ligne sur Amazon.com): «Je ne parle pas d'un changement à venir, mais d'un changement déjà largement survenu. Je parle des hommes qui, soit n'ont rien vu; soit l'ont compris et nagent contre le courant». Ce sont ces hommes blancs en colère qui, décrit l'auteur, meublent le Tea Party, se reconnaissent dans Joe le Plombier et scotchent au mur des photos de... Sarah Palin - oui, une femme!

Invité au débat du 15 novembre, Michael Kimmel se rangerait-il du côté de Rosin et Dowd pour affirmer que les hommes sont obsolètes? On peut le penser. Et si tout le monde le dit, y compris les plus éminents spécialistes, ce doit être vrai...