Avant qu'intervienne l'horreur de l'arme chimique, la guerre civile durait depuis deux ans en Syrie, semant les cadavres par milliers. Et cela aurait pu continuer longtemps sans que le monde ne s'en préoccupe particulièrement. La violence sévit dans quantité d'autres pays, en effet. Et la Syrie n'était alors qu'un cas parmi d'autres.

En Irak ou en Afghanistan, par exemple, il faut un massacre de première grandeur pour que l'événement mérite 20 secondes à la télé. Pourtant, l'engin explosif improvisé ne tue pas moins que le gaz sarin. Ainsi, l'Irak régresse au niveau de la guerre civile qui avait culminé en 2008. Depuis le début de 2013, plus de 3700 personnes ont péri dans des attentats. La violence fait aussi un retour en Afghanistan. Au cours de la même période, plus de 3800 civils y ont été tués ou blessés.

Mais notre potentiel d'indignation est limité et circonstanciel, en ce moment mobilisé en totalité par le conflit syrien.

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«Au cours des six dernières années, la paix a reculé dans le monde», constate l'Institute for Economics and Peace. Depuis 2008, le niveau de paix et de sécurité a augmenté dans 48 pays, mais a chuté dans 110 autres. Le nombre de victimes du terrorisme, notamment, a grimpé en flèche entre 2003 et 2012, passant d'environ 12 000 à presque 40 000.

Parmi les principales causes de ces reculs figurent les violences qui ont entouré le printemps arabe; la guerre civile en Libye et en Syrie; une détérioration de la situation au Pakistan, assiégé par plusieurs groupes islamistes liés ou non à Al-Qaïda (près de 1500 morts en 2011 seulement).

Cependant, c'est en Somalie qu'on trouve la tempête parfaite. Il y a des décennies qu'il est impossible de parler de paix dans ce pays, où une gigantesque mission d'aide de l'ONU protégée par les militaires américains avait tourné au désastre, en 1993, créant ce qu'on a appelé depuis lors le «syndrome Black Hawk Down». En 2012, le fragile État somalien était pour une septième année confronté à une redoutable milice islamiste.

Autre chose encore: la violence criminelle.

Dans certains pays, celle-ci fait presque autant de victimes que si la guerre y était déclarée. En termes de taux d'homicide, les pays les plus dangereux sont dans l'ordre: le Honduras, le Salvador, la Côte d'Ivoire, le Venezuela et la Jamaïque.

Devant ce tableau, on comprend l'ampleur du travail de police qui, dans un monde idéal, ramènerait la paix et la sécurité. C'est utopique, bien sûr. Aussi, l'Institute for Economics and Peace préfère identifier huit «piliers de la paix», à partir d'un gouvernement fonctionnel jusqu'à la liberté de l'information en passant par une distribution équitable des ressources, le respect des droits fondamentaux et un environnement ouvert à l'activité économique.

Dans toute nation, ces piliers se construisent de l'intérieur. Lentement. Très lentement.