Quels sont les socles sur lesquels est posé le débat qui nous déchire depuis trois semaines? Le nationalisme et la religion. C'est-à-dire les deux ancrages identitaires qui, au fil des siècles et même des millénaires, ont davantage divisé que rassemblé, ont plus souvent fait le malheur que le bonheur de l'humanité.

Le fait est que le branle-bas actuel, qui a la particularité d'opposer la nation à la foi, divise et ne rend personne heureux.

Tout le monde l'a dit et, néanmoins, c'est vrai: le gouvernement du Parti québécois a commis une erreur en transformant l'indispensable promotion de la laïcité en une proclamation des valeurs québécoises - comme si elles étaient différentes des valeurs occidentales! Et on peut craindre que Québec s'apprête à errer encore en matière d'enseignement de l'Histoire, sacrifiant l'indispensable connaissance à la promotion de la Cause.

Que va-t-il se passer? Sachant qu'elle est redevenue intouchable, il est à prévoir que la religion, flanquée de ses signes, va gagner le premier combat. Et l'ignorance, le second.

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On prendra connaissance dans quelques jours d'un «document d'orientation» sur la future Charte, annonce (au Devoir) la première ministre Pauline Marois, qui prévoit maintenant une forme d'étapisme dans sa mise en application. Mais il est certain que le contenu de cette Charte, même édulcoré, continuera à être fortement contesté.

À prévoir, donc, l'hostilité redoublée des prosélytes de la foi. Et celle des apôtres de l'ultra-tolérance, qui se mobiliseraient sans doute contre toute initiative allant dans le sens d'une neutralité accrue et visible de l'État. Mais se déploiera aussi en force, précisément en raison du beau grand fleur-de-lysée planté sur le projet, l'animosité de ceux qui méprisent les Québécois (l'épouvantail hérouxvillois est tellement pratique, n'est-ce pas?). Et ce mépris-là ne se manifeste pas qu'au Canada anglais, loin de là.

S'établit ici un lien avec l'Histoire. Ou plutôt avec le peu de connaissance qu'on en a.

Il est nécessaire d'être au fait du passé de notre nation. On peut même plaider qu'il faudrait l'enseigner davantage, ce qui est l'intention du gouvernement. Mais l'appartenance nationale n'est qu'une des multiples identités qu'endosse un individu (à lire: le Blogue de l'édito à lapresse.ca). Il appartient aussi à une espèce animale - non, ce n'est pas anodin - qui interagit avec son milieu naturel. Il descend de l'une ou l'autre grande civilisation. Il cultive ou non une foi religieuse. En ce qui nous concerne, il est le produit de millénaires de labeur qui ont permis la prospérité ainsi que de siècles de réflexion qui ont conduit aux Lumières et au triomphe de la raison.

Cela aussi doit être enseigné pour que le mot «valeur» soit, aux yeux de tous, davantage qu'un hochet politique.