«Puissance et beauté»... C'est la définition de l'idéal qui l'anime telle que donnée par Steve Jobs (interprété par Ashton Kutcher) dans le film Jobs. Il prend l'affiche aujourd'hui. Steve Jobs, c'est l'homme qui a accouché de ce qui allait devenir le géant Apple dans toute sa puissance économique, ses déclinaisons technologiques, du Mac au iPad, et la beauté des objets que la firme a créés.

C'est l'homme à la fois génial et insupportable, cruel et visionnaire, qui voulait changer le monde et y est largement parvenu.

Les cinéphiles jugeront ordinaire le film de Joshua Michael Stern. Il livre exactement ce qu'il annonce, guère plus. C'est-à-dire un récit qui nous présente Jobs à l'adolescence, dans les années 1970, alors qu'il bricole dans un garage de banlieue, et le suit jusqu'en 2001, au moment où il dévoile le iPod. (Plus tard atteint d'un cancer, Jobs s'éteindra en 2011 à l'âge de 56 ans.)

Le film de Stern doit être suivi dans quelques mois par un deuxième «biopic» sur le fondateur d'Apple, inspiré celui-là par la biographie signée Walter Isaacson.

***

Pour l'heure, Jobs atteint-il la Vérité avec un grand V?

C'est une question à laquelle il est impossible de répondre au sujet de quelque oeuvre biographique que ce soit. Le film ne fait qu'ajouter à tout ce qu'on a dit, écrit et montré sur cet homme d'exception. Un homme qui a été et est encore l'objet d'une admiration touchant parfois au culte. Mais aussi d'un vague mépris que l'on attribuera en partie à sa réussite et à celle d'Apple (pour plusieurs, c'est insupportable) et en partie à sa personnalité déroutante, peut-être même détestable.

De fait, on finit par se poser la question: faut-il être fou pour être un génie?

«Les fous furieux, les marginaux, les rebelles, tous ces gens sont assez fous pour croire qu'ils vont changer le monde et ils le changent», répond à cela Jobs-Kutcher en un de ces clichés adolescents qui traversent les âges sans que, jamais, personne ne les remette en question...

Dans la vraie vie, la folie de Jobs, si on veut absolument en voir une, se manifestait dans ses comportements, ses emportements, son narcissisme, son manque d'empathie (qui est bel et bien un symptôme de la psychopathie!). Sa rébellion résidait dans sa capacité à voir les choses sous un angle différent, à savoir décrocher de l'existant et de l'immédiat, à toujours présumer que tout est faisable, possible. Sa marginalité, c'était le génie.

Et Jobs a en effet changé le monde, on l'a dit. L'ordinateur personnel et les machines numériques qui sont venues s'y greffer, du baladeur à la tablette en passant par le téléphone intelligent (les «i» !), ont bouleversé la vie des gens dans leur façon de communiquer, de fréquenter la connaissance et la culture, de travailler, de se divertir.

Toute cette quincaillerie entraîne des effets pervers? Bien sûr! Mais qui pourrait désormais s'en passer?