Aujourd'hui, les spéculations abondent sur ce que sera désormais la politique étrangère iranienne. L'affaire est importante pour la planète entière, en effet, notamment en raison de la course à l'arme nucléaire poursuivie - mais en même temps niée - par le président sortant. Elle l'est évidemment dans la zone d'influence de l'Iran, large et instable, sinon en conflit ouvert comme en Syrie. Et elle l'est à l'intérieur même du pays, dont l'économie est durement touchée par les sanctions internationales.

Alors voilà: un «modéré» a succédé à Mahmoud Ahmadinejad, remportant l'élection présidentielle au premier tour.

Hassan Rohani, 64 ans, est un religieux formé dans le moule de la révolution islamique de 1979. Il a dirigé le Conseil national de sécurité et agi comme négociateur dans le dossier de l'atome jusqu'à ce qu'en 2005, Ahmadinejad accède au pouvoir. L'homme favorise une politique de souplesse dans les relations de l'Iran avec le monde, notamment avec les États-Unis. Sur le plan intérieur, il évoque une nouvelle approche en matière de droits et libertés.

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Depuis 48 heures, diverses capitales, dont Washington, ont accueilli avec espoir l'élection de Rohani, l'exception étant Israël, qui a appelé au maintien de la ligne dure à l'endroit des Perses. Israël rappelle que le véritable pouvoir, en particulier en matière de sécurité et de relations internationales, est entre les mains du Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, et que l'élection de Rohani ne modifie pas cette donne.

Ce qui est exact. À peu de choses près.

De fait, Ali Khamenei, 74 ans, est depuis presque un quart de siècle l'homme fort de l'Iran.

Peu visible, il a pendant tout ce temps tenu dans sa main les présidents élus - dont Ahmadinejad, pour qui il éprouvait peu d'admiration et l'a parfois laissé savoir. L'homme est solidement adossé à la puissance des Gardiens de la révolution, un corps armé tenant à la fois de la troupe d'élite et de la milice chargée des sales besognes, également omniprésent dans l'économie iranienne.

Incarnation même du conservatisme le plus obtus, Khamenei est foncièrement hostile à l'Occident, à Israël et à l'Amérique en particulier.

Cette situation est-elle immuable? C'est à voir.

D'abord, l'aura du Guide suprême a en effet été ébréchée par les troubles et la répression sanglante de 2009. Ensuite, Rohani est un homme intelligent (on ne l'entendra pas nier l'Holocauste ou l'existence de l'homosexualité dans son pays!). Ainsi qu'un négociateur chevronné qui, de surcroît, serait en bons termes avec Khamenei. Si le pays est depuis longtemps tiraillé par des pulsions contradictoires, il n'est pas impossible que le nouveau président puisse le pousser à pas comptés vers l'ouverture et l'apaisement.

Auquel cas l'Occident, sans verser dans la naïveté, serait bien inspiré de réagir en cheminant dans la même direction.