Depuis le temps, on aura compris que la saga des accommodements est en réalité un débat sur la place de la religion dans la société. On peut avoir l'impression que tout le monde s'est prononcé sur le sujet. C'est faux. Les athées n'ont pas, ou fort peu, été entendus: même antagonistes, les différentes thèses ont été soutenues par des croyants, surtout chrétiens.

Or, les athées (ou agnostiques: c'est vécu de la même façon au quotidien) sont très nombreux au Québec comme dans tous les pays développés - même si, pour mille raisons, des statistiques précises sont difficiles à obtenir.

En Occident, le pourcentage d'athées varierait entre 15% aux États-Unis et 85% en Suède.

Au Québec, on parle en général de 15% d'athées. Cependant, d'après le sondage le plus récent (CROP-La Presse, février 2013), 22% des Québécois ne croient en aucun dieu et 18% ne savent pas, ce qui ressemble fort à une position agnostique. En ce cas, il y aurait au Québec 40% de non-croyants. C'est plus du double du pourcentage d'adhésion à l'ensemble de toutes les dénominations religieuses autres que catholiques (16,8%, recensement de 2001).

Comment alors expliquer le silence des athées?

D'abord, l'athéisme n'est pas un cadre de vie fondateur et global qui exige d'être défendu, de sorte qu'il est un piètre support du militantisme. Sam Harris (The End of Faith, non traduit en français) suggère que ce terme ne devrait même pas être utilisé: nul n'affirme être aféiste pour indiquer qu'il ne croit pas aux fées. L'auteur et homme de science se dit plutôt humaniste.

Ensuite, contrairement aux autres nations développées, le Québec ne compte pas de figures emblématiques de l'athéisme comme le sont Harris, Richard Dawkins (Pour en finir avec Dieu) ou Michel Onfray (Traité d'athéologie).

Encore, l'athéisme est inconnu à l'école, ainsi privé de relève automatique et dynamique. Le cours d'Éthique et culture religieuse est peut-être non confessionnel, mais il entérine les notions d'ubiquité et de nécessité de la foi.

Enfin et surtout, l'athéisme n'a ni pouvoir ni finance. Et, mal compris, il est l'objet de lourds préjugés. De sorte qu'une «culture explicite de l'athéisme semble inexistante au Québec. On en trouve de très rares expressions ponctuelles dans les médias», écrit le philosophe et psychologue Claude M.J. Braun dans Québec athée (2010).

Il conclut: «L'athée québécois reste remarquablement timoré».

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Des vitres givrées à la prière publique, de l'érouv au crucifix et du foulard au turban, la saga des accommodements est aux yeux de l'athée totalement dépourvue de sens.

Or, c'est précisément la raison pour laquelle sa voix aurait dû être mieux entendue.

Engagés de façon émotive dans le débat, les croyants auraient bénéficié d'un regard extérieur susceptible de tempérer les ardeurs. De relativiser les enjeux. De suggérer un espace démocratique, rationnel, pratique, pour le fait religieux.