Il n'y a pas deux classes sociales. Le prolétariat et la bourgeoisie. Ou les 1% et les autres, proposition qui a récemment soulevé une grande indignation manifestante... Il n'y en a pas trois non plus: classes ouvrière, moyenne et supérieure. Non. En réalité, on peut dorénavant distinguer sept classes sociales, dont la moins favorisée constitue le «précariat», un néologisme qui pourrait bien prendre racine dans le langage courant.

Cette nouvelle échelle a été mise au point en Grande-Bretagne, issue d'études menées par des universitaires surtout britanniques, mais aussi de France et de Norvège. Le tout a débouché sur un vaste sondage (160 000 répondants) de la BBC.

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont débordé des critères traditionnels - niveau d'éducation, occupation, revenus - utilisés pour déterminer l'appartenance à une classe donnée. Ils ont aussi tenu compte du niveau des échanges sociaux et de la fréquentation plus ou moins importante de la culture, indifféremment la populaire ou la «grande», des individus.

Ainsi, au haut de l'échelle trône l'élite, riche, très active socialement, cultivée de façon plutôt classique. C'est peut-être la niche la plus résistante au temps: ses caractéristiques ne se sont pas beaucoup modifiées et il s'agit toujours d'un club exclusif: à peine 6% de la population. Image iconique: professionnels, financiers. Tout juste au-dessous, on trouve la classe moyenne cultivée, nombreuse (25%: technocrates, ingénieurs), très à l'aise financièrement et socialement, entretenant des rapports étroits avec toutes les formes de culture.

Il y a évidemment plus de monde à l'autre extrémité du spectre. Composent en effet le «précariat» quelque 15% des Britanniques. Des gens pauvres, abonnés aux petits boulots plus ou moins intermittents ou au chômage, sans contacts sociaux, ne fréquentant aucune forme de culture.

C'est entre les deux que l'affaire devient vraiment intéressante avec une classe moyenne devenue disparate, divisée en quatre groupes n'ayant entre eux que peu d'affinités.

Une classe moyenne traditionnelle existe encore, mais elle est statistiquement âgée (66 ans) et est... en voie d'extinction (14% de la population: camionneurs, secrétaires). Elle n'est pas pauvre: son modeste capital est investi le plus souvent dans la demeure familiale. Apparaît ensuite une classe technicienne confortable (6%: pilotes, pharmaciens), mais sans vie sociale ou culturelle digne de ce nom.

Enfin, les jeunes forment en masse les deux dernières catégories: la nouvelle classe moyenne et les jeunes travailleurs des services (15 et 19% de la population: musiciens, barmen, chefs cuisiniers). Ces jeunes se signalent par une activité sociale et culturelle supérieure à ce que laisseraient deviner leurs revenus, variables, souvent modestes.

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Le plus étonnant est que ce tableau n'étonne pas.

D'abord, il est clair que l'étude donnerait peu ou prou les mêmes résultats dans tous les pays développés. Ensuite, la simple observation permet de comprendre que les cloisons étanches entre classes sociales, en particulier chez les jeunes, ont éclaté. Que les modes de vie et intérêts de chacun diffèrent de façon importante, et pas uniquement en fonction des revenus comme c'était largement le cas jadis.

Bref, les moules traditionnels sont cassés. Et il serait peut-être temps de remiser au garde-meubles de l'Histoire un certain nombre de clichés qui encombrent l'espace public.