À cause de son immense talent et de ses succès répétés au grand écran, on serait tenté de dire de Michel Côté qu'il est notre Gérard Depardieu à nous. Mais les frasques récentes de l'acteur français rendent la comparaison risquée... Loué pour l'ensemble de son oeuvre au gala des prix Jutra, dimanche, Côté a mieux que personne commenté la misérable année 2012 vécue par le cinéma québécois.

L'an dernier, on le sait, nos films n'ont revendiqué que 4,8% du marché en salles.

C'est la moitié de la performance moyenne de la dernière décennie (plus de 10%) et le quart du succès record enregistré en 2005 (19,8%). Quelques films dits populaires ne l'ont pas été. Un documentaire, genre pourtant difficile à vendre, a fait mieux que l'écrasante majorité des films de fiction (Dérapages, de Paul Arcand). Six long-métrages ont intéressé moins de... 1000 spectateurs!

Côté s'est donc demandé si, dans le contexte du « grand succès de nos films dans plusieurs festivals autour du globe, il n'est pas inquiétant qu'on ne soit pas plus curieux de les voir ».

Qu'y faire?

« Je considère que c'est à nous (les artisans du cinéma) que revient la responsabilité de raviver la passion de notre histoire, de notre langue, de notre patrimoine culturel en imaginant des histoires qui vont captiver, toucher, nous faire réfléchir. Nous faire rire aussi, c'est pas péché », a suggéré Michel Côté.

Et personne ne s'est moqué de lui : l'homme n'est pas un vulgaire et cupide exploitant de salles, mais un monstre sacré du cinoche d'ici.

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Le 28 janvier dernier, un épisode de la série télévisée 19-2 a été vu par 1,5 million de Québécois. C'est 50% de plus que la totalité des assistances à des films québécois pour toute l'année 2012! Et c'est une réalité dont Podz, réalisateur de 19-2, mais aussi de plusieurs films dont L'Affaire Dumont, s'est lui-même étonné.

Bien sûr, la comparaison est injuste. Mais elle indique que nos artisans de l'image ne sont ni incompétents, ni en déficit d'imagination, ni en manque d'atomes crochus avec le public.

Où est le problème alors?

Financement public du cinéma? Il est et sera toujours insuffisant, comme pour la télé (et la littérature, et le théâtre, et la danse, et les beaux-arts, et tutti quanti). Carence de production? En 1995, on a projeté en salles 32 long-métrages québécois, mais plus du double (71) en 2011 : au prorata de la population, nous tournons plus que la France ou les États-Unis...

Le cinéma québécois remporte beaucoup de succès dans les festivals internationaux, c'est admirable et c'est à cultiver. Les moyens fussent-ils insuffisants, nos gens de cinéma savent captiver, toucher, faire réfléchir et même faire rire les cinéphiles de Namur, les critiques de Cannes et les afficionados de Sydney. Rien ne leur est donc impossible, pas même de raviver la passion des Québécois pour leur cinéma.

Des grands y sont parvenus dans le passé.