Faisons le point. Depuis deux ans, l'islamisme a progressé par la politique ou la violence en Tunisie, en Égypte, en Turquie, au Yémen, en Somalie, au Soudan, au Niger, au Nigeria, en Libye, au Mali. En Algérie, il vient de rebondir sous la forme d'un raid djihadiste meurtrier dont, hier, on ne connaissait pas encore la conclusion.

Mercredi, une phalange terroriste a attaqué le site gazier d'In Amenas, prenant en otages des centaines de travailleurs de douze nationalités. Jeudi, les militaires algériens ont donné l'assaut, sans dénouer la situation. Hier, on apprenait que beaucoup d'otages ont été - ou se sont - libérés. Sinon, tout n'était que confusion.

Le commando impliqué serait dirigé par Mokhtar Belmokhtar, opérateur déchu d'Al-Qaïda, vétéran de la terreur, criminel de droit commun.

Et l'opération, présentée comme une riposte à l'intervention française au Mali, ratisse large. Ainsi, on réclame la libération du cerveau de l'attentat de 1993 contre le World Trade Center, Omar Abdel Rahman, emprisonné aux États-Unis.

Ayant plaqué nos fantasmes sur le printemps arabe, nous (nous, au sens d'Occidentaux) n'étions pas préparés à affronter la réalité qui se révèle depuis. À savoir: l'extrême-droite islamiste est extraordinairement puissante, témoigne d'une barbarie sans nom dans l'utilisation de la violence, ne tient aucun compte de ce que fait l'Occident en bien ou en mal, refuse la négociation dès l'instant où elle le peut.

Portés au déni, nous adorons aussi nous bercer d'illusions. Or, la glorieuse chevauchée de l'islam radical est à ce jour le fait géopolitique marquant du XXIe siècle.

Le devoir d'ingérence aurait dû pousser les forces militaires occidentales à intervenir partout où la violence islamiste gruge les États, instaure la charia et sème la terreur. Mais, après l'Afghanistan et la monstrueuse erreur irakienne (merci encore, monsieur Bush), l'Occident est fatigué de la guerre, n'y croit plus, n'en veut plus.

Les Canadiens, et les Québécois plus encore, pensent ainsi.

De fait, notamment à cause de l'Histoire, de la géographie et de la nécessité, il serait juste que l'Europe s'implique davantage dans ce travail de police. Et c'est ce que la France a compris, le président socialiste François Hollande menant la charge au Mali en usant parfois d'un langage rumsfeldien: «Nous les détruirons!», a-t-il ainsi lancé.

Ottawa (qui a alloué au Mali une aide de 102 millions en 2010-2011) a dépêché sur les lieux un avion de transport militaire CC-177. On lui en demande plus. Les événements des derniers jours mettront-ils en branle un engrenage qui pousserait le gouvernement Harper vers une implication plus grande? Attention! Nous avons beaucoup donné en Afghanistan. Mais l'Europe, elle, à l'échelle de ses capacités, a donné fort peu...

Pour l'instant, ce ne serait pas un déshonneur pour le Canada que d'attendre et de voir.