Albert Einstein a dit: «Je ne sais pas comment la troisième guerre mondiale sera menée. Mais je sais comment le sera la quatrième: avec des bâtons et des pierres...» Ce qui, bien sûr, signifiait: la civilisation telle qu'on la connaît ne survivrait pas à un conflit nucléaire. Or, il y a 50 ans, le monde a vécu pendant 13 jours, du 16 au 28 octobre 1962, au bord de l'apocalypse.

Au Québec même, on a alors dépoussiéré les sirènes d'alarme, diffusé des procédures à suivre en cas d'attaque, organisé des exercices d'urgence.

Aujourd'hui, selon beaucoup de «vétérans» de la crise des missiles de Cuba, seule la chance explique que la guerre a alors été évitée.

Cette explication est un peu courte même si, de fait, la malchance aurait pu sévir. Les communications entre Washington et Moscou étaient lentes et imprécises - c'est par la suite qu'on brancha le fameux «téléphone rouge», en réalité un lien par téléscripteurs. Et, des deux côtés, les faucons durent être tenus en laisse, dont Fidel Castro, partisan de la ligne dure.

Mais si on croit que ce sont les hommes qui font l'Histoire, et non une forme ou une autre de destin, la fin heureuse de la crise des missiles doit être portée au crédit des deux chefs d'État qui s'affrontèrent alors, John F. Kennedy et Nikita Khrouchtchev.

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On peut dire que l'escalade entre les deux superpuissances issues de la Deuxième Guerre mondiale a débuté dès le lendemain du conflit.

Mais c'est au début des années 60 que les choses s'envenimèrent vraiment. Avec, d'abord, le débarquement raté de la Baie des Cochons en avril 1961. Avec, ensuite, la construction du mur de Berlin: en octobre de la même année, 20 chars d'assaut des deux camps se firent face pendant trois jours d'extrême tension à «Checkpoint Charlie».

Puis, en juillet 1962, l'URSS déclencha l'Opération Anadyr, envoyant à Cuba 40 000 militaires et «conseillers» ainsi que 158 ogives nucléaires. On connaît la suite. Alors que les forces militaires des États-Unis et de l'URSS étaient au plus haut degré d'alerte, Kennedy et Khrouchtchev en vinrent à un compromis: le premier retirerait ses missiles nucléaires de la Turquie, le second de Cuba.

Pourquoi l'un ou l'autre ne succomba-t-il pas à la tentation très humaine de dominer, fut-ce sur des champs de ruines radioactives?...

Aujourd'hui, on craint plutôt l'escalade d'affrontements locaux - neuf pays possèdent l'arme atomique, l'Iran cherchant à devenir le dixième. Et, surtout, on redoute le scénario de la «bombe sous le tapis», c'est-à-dire l'attentat terroriste commandité ou non par un État voyou. Dans les deux cas, la catastrophe serait limitée, bien qu'il soit impossible de prédire les secousses politiques, donc éventuellement militaires, que provoquerait un tel événement.

Il faudrait alors des hommes qui, comme Kennedy et Khrouchtchev en leur temps, aiment la vie plus que la mort.