L'économie donne bien du souci. Mais elle enseigne aussi la prudence. On a pu le constater, hier, lors des interventions à l'ONU de deux leaders du monde musulman, l'Iranien Mahmoud Ahmadinejad et l'Égyptien Mohamed Morsi.

Arrivant à la fin de son mandat présidentiel, le premier s'est en effet montré moins corrosif qu'il l'a été par le passé à la tribune de l'Assemblée générale: son pays est de plus en plus durement touché par les sanctions internationales.

Le second, l'homme des Frères musulmans que les urnes viennent de désigner comme successeur d'Hosni Moubarak, a tenu un discours malgré tout moins teinté par le religieux qu'il ne le fait chez lui: la santé financière de l'Égypte dépend en partie d'importantes subventions venant chaque année de Washington et des capitales européennes.

Bien entendu, cette dose de realpolitik n'a pas totalement empêché les dérapages.

Dans le cas d'Ahmadinejad, ils se sont produits dès son arrivée à New York, en début de semaine, avant qu'il n'accède à la tribune de l'ONU. De sorte que les délégations américaine et canadienne ne se sont pas présentées sur le parterre de l'Assemblée générale pour y entendre son discours. À l'antenne de CNN et dans des rencontres en cercle fermé, en effet, le leader iranien a ajouté à ses considérations sur Israël, dont fait partie la négation de l'Holocauste, une opinion étonnante: selon lui, les juifs n'ont pas d'histoire, pas de passé, au Moyen-Orient - à peine 60 ou 70 ans. Alors que les Perses, eux, sont là depuis des milliers d'années!

Le moins que l'on puisse dire est qu'il s'agit d'une réécriture audacieuse de l'Histoire...

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Cependant, l'allocution de Mohamed Morsi était plus attendue que celle de son vis-à-vis iranien. La raison est évidente. L'Égypte, un pays-phare du monde arabe, a entrepris une expérience unique à cette échelle: celle de la démocratie combinée à une gouvernance islamique.

Morsi a à ce jour donné des signaux ambigus quant à ses intentions. Il devait rassurer. Or, malgré sa prudence, il a mis en évidence des différences fondamentales dans la philosophie qui guide des civilisations... dont on aime penser qu'elles ne s'affrontent pas.

Ses vues sur la récente affaire de la vidéo anti-islam qui a déclenché de violentes protestations dans les pays musulmans dépassent l'anecdote. En une sorte d'image-miroir des propos que Barack Obama a tenus au même podium, la veille, Morsi a affirmé que la liberté d'expression s'arrête à l'endroit où débute le droit divin. «Les insultes à l'endroit du prophète de l'islam, Mahomet, doivent être rejetées et nous ne les permettrons pas, ni en paroles ni en actes», a-t-il dit.

Il est question ici de la notion de blasphème, qui nous est complètement étrangère, ce qui pourrait annoncer le choc de positions tenues de part et d'autre pour fondamentales, non négociables.

En somme, Morsi ne rassure pas.