Il y a la foule. Puis ceux qui la manipulent. Enfin, la terreur. Celle qui, bien avant l'assassinat d'un ambassadeur américain à Benghazi, avait déjà sévi contre d'autres ambassades en Afrique. Contre les tours jumelles de Manhattan, le métro londonien, des trains madrilènes, une discothèque indonésienne, des hôtels indiens, bien d'autres lieux encore.

Il s'agit de trois acteurs distincts.

Mais ils ont en commun d'utiliser la foi religieuse pour nourrir une haine antiaméricaine (au vrai, anti-occidentale) qui n'a aucune chance de s'éteindre dans un avenir prévisible, on l'a maintenant compris.

On a dit de L'innocence des musulmans, le film incriminé dans l'épisode actuel de violence, qu'il est stupide et provocateur. Il l'est. Mais ce n'est pas le premier film - sans parler des romans, caricatures, émissions de télé, pièces de théâtre, spectacles, statues, déclarations, vêtements, comportements - à offenser l'islam. En 2004, le cinéaste Theo van Gogh, auteur de Soumission, un court-métrage sur le statut de la femme dans l'islam, était tué et presque décapité dans une rue d'Amsterdam. Agonisant, il avait tenté de plaider auprès de son agresseur: «Peut-on en discuter? ...»

Non, on ne pouvait pas en discuter.

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Après le fameux discours du Caire de Barack Obama, après la chute d'une poignée de dictateurs, après le Printemps arabe encouragé par l'Occident, on ne constate pas aujourd'hui de progrès tangibles dans le monde musulman.

La foule? Certes, pas davantage qu'ailleurs, la «rue» musulmane qu'on voit à la télé, vociférante et exhalant la haine, n'est-elle représentative des véritables humeurs d'un peuple. Mais sur ces humeurs, justement, on sait peu de choses: ceux qu'il est convenu d'appeler les modérés ne se manifestent pas davantage aujourd'hui qu'hier. Cela finit par devenir très troublant.

Les manipulateurs, ensuite. Ils ne s'appellent plus Moubarak ou Kadhafi, mais ils sont toujours là. Comment gouvernera vraiment Mohamed Morsi, l'homme des Frères musulmans, en Égypte? Beaucoup de signes sont inquiétants. Préoccupante aussi la situation en Tunisie, où s'improvisent des milices de la vertu. En Libye, la seule certitude est qu'il y règne une grande violence. L'Iran cultive l'atome et émet des fatwas - au fait, celle visant Salman Rushdie a été renouvelée.

Reste le troisième acteur, celui qui joue la carte du terrorisme en se réclamant ou non d'Al-Qaïda. Or, si la terreur se dilue, elle s'étend dorénavant dans tous les États plus ou moins faillis, du Yémen au Soudan, s'y livrant parfois à des massacres que la presse occidentale passe à peu près sous silence. Il n'est pas clair que les choses avancent...

Au total, on retiendra probablement des derniers événements qu'ils ont amenuisé l'espoir, initié un profond désenchantement. Les saisons arabes se suivent, mais ne se ressemblent pas.