Il est presque impossible de réfléchir de façon posée sur de tels événements. Le filicide, le meurtre d'un enfant par un de ses parents, est un acte trop contraire à tous les instincts et à tous les codes moraux. On l'a encore compris, cette semaine, avec le drame de Warwick dans lequel deux enfants ont péri de la main de leur père, qui s'est suicidé.

Mais aucune solution ne naît de l'émotion. Aussi faut-il tenter de mieux connaître la réalité.

D'abord, ces crimes sont relativement rares: environ 6% des homicides se produisant au Québec. En dix ans, de 1997 à 2007, 50 hommes et 29 femmes ont tué leurs enfants; dans 11 de ces cas, le ou la conjoint(e) a aussi péri. La différence de comportement entre les deux sexes est importante: à quoi est-elle due?

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Le potentiel de violence des hommes est-il beaucoup plus élevé que celui des femmes? C'est l'explication convenue, mais on la nuance de plus en plus. Par exemple, presque autant d'hommes que de femmes disent subir de la violence conjugale (6,0 contre 6,4% des gens en relation de couple, en 2009, au Canada). Y a-t-il davantage de problèmes psychiatriques chez les hommes? C'est l'inverse: seulement 10% des hommes accusés de filicide ont été exonérés pour cause de troubles mentaux contre 35,7% des femmes.

Ne reste alors qu'un problème toujours évoqué, jamais résolu. Les hommes ne cherchent pas d'aide, ou n'en trouvent pas, ou ne se sentent ni à l'aise ni bienvenus dans le réseau de la santé et des services sociaux. Depuis le rapport Rondeau (Les hommes: s'ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs besoins) déposé en 2004, on en revient toujours là.

«La situation n'a pas beaucoup changé», dit aujourd'hui (à TVA) l'auteur du rapport, Gilles Rondeau. Ce qui se développe en matière d'aide aux hommes se fait hors réseau, note-t-il, dans des organismes communautaires épars et mal financés. «Ce sont eux qui sont souvent les mieux placés pour rencontrer directement les hommes dans leur milieu (...) en raison de leur mode d'action inventif et rattaché à la réalité des hommes», estime aussi la Protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain.

Une réalité s'impose donc.

Après dix ans d'analyses, de comités, de colloques, de tables et de forums, le pachydermique réseau de la santé s'avère incapable de répondre aux besoins des hommes en détresse. Ce qu'il produit surtout, c'est de la paperasse: un nouveau... rapport est attendu d'ici la fin de l'été!

Il faut donc miser, en effet, sur les organismes communautaires, qui semblent mieux accepter les hommes tels qu'ils sont. Il faut mieux financer ceux qui se révèlent les plus efficaces. Il faut en développer d'autres. Il faut leur donner de la notoriété et les rendre plus faciles d'accès - par une ligne téléphonique dédiée, par exemple.

On ne parviendra jamais à prévenir tous les drames familiaux. Mais il serait immoral de ne pas vraiment essayer.