Le docteur Guy Turcotte restera hébergé à l'Institut Philippe-Pinel. Mais il aura droit à des sorties dont l'encadrement sera graduellement allégé au fil des mois, jusqu'à inclure des permissions de nuit. C'est la décision rendue, hier, par la Commission d'examen des troubles mentaux. Si ce «test» est réussi, la suite logique pourrait consister en une libération plus ou moins complète de celui qui, il y a trois ans, a tué ses deux jeunes enfants.

La Commission réexaminera le dossier dès décembre.

Les juges du tribunal administratif ne cachent cependant pas leur perplexité. Ils notent que les experts de l'Institut Philippe-Pinel se sont prononcés contre tout changement au régime de garde du cardiologue. À travers des questionnements sur sa santé mentale réelle et sa dangerosité potentielle, ils remarquent aussi que le médecin ne consentira à subir une thérapie qu'une fois libéré.

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L'affaire Turcotte demeurera donc une énigme pour le simple citoyen.

D'abord, le procès a semé des doutes quant au rôle de la psychiatrie dans les affaires criminelles. Il n'a échappé à personne que les experts en ce domaine se contredisent allègrement. Certes, ils ne sont pas les seuls à le faire devant les tribunaux. Mais la psychiatrie, cette science à l'évidence non exacte, est par ailleurs très bousculée en ce moment. Notamment parce que, occupée à revoir sa «bible»*, elle semble vouloir élargir toujours davantage le champ de la maladie mentale - jusqu'à l'absurde, disent certains.

Ce zèle finit par remettre en question la notion même de libre arbitre... à une époque où personne ne semble plus être responsable de quoi que ce soit!

Cela n'échappe pas au public.

Mais il y a plus sérieux: dans l'affaire Turcotte, la justice n'a pas l'apparence d'avoir été rendue.

On peut rappeler d'une part que la justice de la «rue» a historiquement conduit au lynchage. Noter d'autre part qu'un jury, composé d'humains, est sujet à l'erreur - ce que sait pertinemment quiconque a assisté à un nombre suffisant de procès. Remarquer ensuite que l'économie de notre Droit impose que le doute joue en faveur de l'accusé. Plaider enfin qu'un tel crime insuffisamment puni enverrait un message sinistre à la société... Bref, on peut ergoter sans fin sur le sujet.

Mais, paradoxalement, l'anomalie réside dans le fait que le système a fonctionné de façon correcte. Le procès criminel a été instruit dans les formes. Et la Commission d'examen des troubles mentaux a délibéré à l'intérieur des paramètres fixés.

Que faire alors?

Le verdict rendu à l'été 2011 a été porté en appel par le Directeur des poursuites criminelles et pénales: le tribunal de deuxième instance pourrait imposer un nouveau procès à Guy Turcotte. Il faut faire confiance. Si la Justice (avec un grand J) le réclame, le système sera capable d'autocorrection.

* Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM).