Un «juste équilibre entre la liberté d'expression et la sécurité publique». Voilà ce qu'il fallait trouver après plus de 180 manifestations étudiantes, dont plusieurs ont été d'une rare violence, dans les rues de Montréal. Et voilà, selon ses propres termes, ce qu'a offert le maire Gérald Tremblay en présentant de nouvelles règles interdisant le masque lors de tels événements. Elles imposent aussi aux organisateurs de rallyes de protestation l'obligation de dévoiler l'itinéraire qui sera emprunté par leurs troupes.

Cela comble les «trous» de l'article 351 du Code criminel, qui se révèle inefficace sur le terrain (à Ottawa, on songe d'ailleurs à des amendements). Et l'affaire devrait se régler rapidement: les nouvelles mesures devraient être applicables à la mi-juin, ou même avant.

Il est rare que le maire de Montréal soit félicité pour sa détermination et la célérité avec laquelle il passe à l'action. C'est pourtant ce qu'il convient de faire ici.

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Il ne manquera pas de plaideurs pour évoquer avec des trémolos dans la voix la Charte, la démocratie, la liberté d'expression, le droit des uns... mais, on le notera alors, pas le droit des autres.

Les prétextes seront nombreux, parfois même hilarants. Le père Noël. Le Bonhomme Carnaval. Le Festival Juste pour rire. La nécessité de se protéger du froid au mois de janvier. Et le meilleur (déjà évoqué par Me Julius Grey): le désir éventuel d'un homosexuel non sorti du placard d'assister au défilé de la Fierté gaie... auquel accourent des dizaines de milliers d'hétéros avec femmes et enfants!

Plusieurs citeront également le jugement de la Cour supérieure dans Ville de Québec c. Tremblay (2005), lequel invalidait un tel règlement.

Or, l'affaire est trop comique pour ne pas être racontée. La police avait alors intercepté un homme seul, déguisé de pied en cap pour jouer le rôle d'Hamlet en gesticulant dans la rue, terrorisant ainsi les passants! En rendant sa décision, le juge Richard Grenier, non dépourvu d'humour, avait d'ailleurs cité Shakespeare pour statuer que «rien n'est bon ou mauvais en soi, tout dépend de notre pensée».

Justement!

Les propositions de Gérald Tremblay étant a priori suffisamment restrictives pour épargner le cachot aux fans de Shakespeare et aux gais anonymes, c'est bel et bien une pensée qui est visée. Celle de la destruction planifiée et de l'agression gratuite, qui corrompt le message des manifestants légitimes et provoque la hargne des victimes de la casse à l'endroit des causes que la «rue» essaie précisément de promouvoir. Rappelons-nous: lors de plusieurs manifestations, les étudiants ont eux-mêmes tenté d'écarter les casseurs masqués, conscients du tort que ceux-ci leur faisaient.

Dans ce jeu d'équilibre entre violence à répétition et finasserie avocassière, chacun a maintenant compris - parfois à la dure - où loge le bon sens.