Un gouvernement démocratiquement élu a le mandat de gouverner, ce qui consiste à prendre des décisions et à les faire respecter.

Sauf dans des circonstances extrêmes, inconnues au Québec, l'opposition violente à ces décisions n'est ni légale ni légitime. La persistance dans le désaccord, elle, l'est parfaitement. Et elle peut s'employer à provoquer la défaite du gouvernement au prochain appel aux urnes.

Pardon pour ce fastidieux rappel de quelques évidences perdues dans le rouge peinturluré et le verre fracassé par la violence de la rue. Mais il faut ce qu'il faut.

D'une part, la juste perception de la réalité a été la première victime de l'agitation étudiante. D'autre part, le gouvernement Charest n'est pas réputé pour ses décisions judicieuses ou sa constance dans leur application. De sorte que, si on ajoute l'odeur de scandale flottant autour de lui, il n'est plus dans une bonne position pour se faire respecter. Malgré cela, son devoir est de continuer à gouverner.

Jusqu'aux prochaines élections.

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Tenir la barre d'une société avancée est devenu, en exagérant à peine, une entreprise... vouée à l'échec. Car un gouvernement est utile dans la mesure où il est capable de faire les choix nécessaires même lorsqu'ils sont impopulaires. Ce qui est proche de l'utopie.

Tout conspire en effet contre un «bon» gouvernement.

D'abord, plus de 40% des électeurs québécois ne paient pas d'impôt sur le revenu, le moyen le plus voyant et le plus souffrant pour le citoyen de nourrir la caisse de l'État. Cela signifie que près de la moitié de la population soutiendra de façon quasi automatique toute bonification de la «gratuité» des services gouvernementaux. Cette dynamique est irrépressible et immuable.

Ceci entraîne cela: il est sur le long terme impossible, non seulement de réduire la taille de l'État, mais de maîtriser sa croissance. C'est une recette pour la catastrophe. Laquelle, ironiquement, déferlera sur ceux qui exigent aujourd'hui dans le bruit et la fureur qu'il croisse encore. Une pression dans le même sens est en outre exercée par de puissants lobbies, ceux des grandes entreprises et ceux des «causes» organisées. Ainsi que par la mécanique interne d'un État moins gouverné par les élus que par ses mandarins, dont le premier souci est de croître et de se reproduire.

S'ajoutent à ce portrait de l'enfer le clientélisme, le gaspillage, la corruption, des maux auxquels aucun gouvernement n'échappe. Les meilleurs les contiennent dans des limites supportables. Les pires sombrent corps et biens.

Tout cela sans parler du fait que la plus timide tentative de l'État de favoriser la création de la richesse est accueillie par les invectives et les huées...

La politique est l'art du possible, veut l'adage. Or, aujourd'hui, gouverner consiste plutôt à se bagarrer avec l'impossible en sachant à l'avance qu'on ne gagnera pas.