La décision d'Ottawa d'interdire le voile intégral aux Néo-Canadiennes lors de la cérémonie de citoyenneté est passée presque inaperçue au Québec. «C'est le genre de mesure dont on ne parlera plus dans 24 heures», a estimé Françoise David, de Québec solidaire, pourtant peu friande de restrictions sur le port du voile islamique.

Par contre, la décision est débattue dans le ROC, le rest of Canada.

À l'heure du procès Shafia, consécutif à la mort effroyable de trois adolescentes afghanes et d'une des deux épouses de leur père, «le débat sur le voile est beaucoup plus compliqué que vous le pensez», argumente le Macleans's.

Celui-ci est un bon baromètre des humeurs du Canada anglais. Il est également célèbre pour son combat contre les velléités de censure de trois commissions des droits (fédérale, ontarienne et britanno-colombienne) agissant sur plainte du Congrès islamique canadien. Mais l'hebdo torontois n'a pas renié pour autant le multiculturalisme ou son demi-frère, le relativisme culturel...

Sa page frontispice du 23 janvier montre une femme portant le niqab se tenant à côté d'une autre, largement dénudée. Le titre: «Les voiles: Qui sommes-nous pour juger?».

Qui est ce «nous» ? La civilisation occidentale en général, canadienne en particulier.

Et quel est le message? En matière d'égalité des sexes comme en d'autres, nous n'avons pas de leçons à donner. Nous sommes en effet coupables d'«hypersexualiser» la femme, ce qui est non pas équivalent, mais pire que de l'emprisonner sous un voile intégral. Le Maclean's cite une Canadienne pur tweed convertie à l'islam, la professeure Katherine Bullock, qui dit: la musulmane voilée est surtout victime des «politiques de puissance occidentales» s'incarnant dans la «rhétorique occidentale anti-voile».

Rien à voir avec le statut de la femme dans les pays islamiques.

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En Ontario, des avocats plaident depuis des années pour qu'une femme puisse témoigner masquée dans une cause criminelle! Cela seul suffirait à prouver que, en adoptant la logique du débat textile, on peut décoller de la réalité...

Or, la réalité, c'est que, pour répondre à la question du Maclean's, il y a des traits de civilisation que, oui, «nous» pouvons bel et bien juger. Il s'agit de ceux dont nous savons, après des siècles de luttes contre la déraison religieuse ou culturelle, qu'ils s'opposent à la dignité humaine, à l'intégrité physique, à l'égalité. Et même à la prospérité, puisque celle-ci dépend largement de celles-là.

Il faut cesser pendant un bref instant de s'auto-flageller pour voir que, sur ces points cruciaux, la civilisation occidentale en général et canadienne en particulier, sans être parfaite, n'a pas trop mal réussi.