Après l'enthousiasme du printemps, viennent les incertitudes de l'automne arabe, la saison de tous les dangers. «Aujourd'hui, la panique règne dans le monde arabe. Les dirigeants ont peur du peuple, l'élite a peur des pauvres, la classe moyenne a peur des moins favorisés», commente (dans le New York Times) un journaliste et ex-ministre libanais, Fadel Shallak.

Pour commencer, ne craignait-on pas de nouveaux épisodes de violence?

Or, elle est là, la violence. Notamment en Syrie, où on en serait à près de 4500 victimes. On ne voit pas comment la dynamique interne de l'insurrection ou les pressions de l'extérieur - dont celles, étonnantes, de la Ligue arabe - viendront à bout du régime dictatorial de la famille al-Assad. Mais des rumeurs couraient, hier, au sujet de velléités d'intervention armée - plus spécifiquement de la France, exactement comme en Libye. Mais est-ce une bonne idée?

La violence est également de retour place Tahrir (43 morts en 12 jours), démonstration de l'impassibilité d'une junte militaire qui n'entend céder ses pouvoirs que dans l'exacte mesure où elle y sera forcée. Pourtant, il y a bel et bien des élections en Égypte. Le premier round des législatives s'est terminé, hier, dans une ambiance étonnamment positive. C'est la première étape d'un processus extraordinairement complexe qui durera jusqu'en mars, garnira les deux chambres et amorcera le renouveau constitutionnel.

Ce à quoi on s'attend en général des élections égyptiennes, c'est une victoire du parti Liberté et Justice des Frères musulmans, bien implantés, organisés, puissants.

Au Maroc, hier, prenant acte des élections de vendredi dernier, le roi a désigné comme premier ministre le chef du parti islamiste modéré Justice et Développement, Abdellah Benkirane. En Tunisie, on le sait, les islamistes modérés du parti Ennahda ont également connu la victoire lors des élections du 23 octobre. En Libye, enfin, bien que rejetant «toute idéologie extrémiste», le président du Conseil national de transition, Moustapha Abdel Jalil, a déjà prévu une place importante pour la charia dans le remodelage politique du pays...

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Le monde apprendra bientôt, avec plus ou moins de bonheur selon le cas, à quoi ressemble un «islamisme modéré».

Pour l'instant, c'est une bête qu'on a peu vue au grand jour et qui ne suscite que scepticisme et appréhension. L'islamisme modéré, c'est une «imposture», a déjà tranché la députée de Lapinière et vice-présidente de l'Assemblée nationale du Québec, Fatima Houda-Pépin, reflétant une opinion assez répandue.

Le pire n'est jamais certain, bien sûr. Mais on a déjà vu des peuples se débarrasser de dictateurs pour être ensuite asservis par d'autres, plus jeunes, plus fous.

Ce serait assurément misérable, comme fin de saison.