Le Québec est la province la moins violente au pays, si on en juge par le nombre d'homicides survenus en 2010. C'est même l'un des endroits les moins coupe-gorge au monde, à égalité avec l'Europe. Laquelle - tenez-vous bien - est «en ce début de 21e siècle l'endroit le plus sûr de toute l'histoire de l'humanité avec un taux annuel d'homicide avoisinant un meurtre par 100 000 habitants».

Ce taux est si bas qu'il est presque incompressible, affirme le psychologue d'origine montréalaise et professeur à Harvard, Steven Pinker, dans The Better Angels of Our Nature (non traduit en français).

L'auteur y démontre que, depuis l'époque de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, la violence sous toutes ses formes n'a cessé de diminuer (voir le blogue de l'édito sur Cyberpresse). Aujourd'hui encore, les sociétés les plus primitives  sont les plus violentes, démontre-t-il.

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Avec 84 meurtres en 2010, le Québec a donc battu un record vieux d'un demi-siècle en affichant un taux d'homicide de 1,1 par 100 000. C'est presque quatre fois moins qu'au milieu des années 70, alors qu'on avait frôlé les 4 meurtres par 100 000 Québécois.

Pourquoi, ici comme ailleurs, s'est-on lassé de s'assassiner les uns les autres?

De la caverne au bungalow, l'Homo sapiens a graduellement troqué la violence contre la... civilisation, tout simplement. La civilisation, c'est-à-dire la somme des progrès assurant notre survie: médiation de l'État, police et justice, commerce et enrichissement, éducation et raffinement des moeurs, déclin de la foi religieuse et adhésion minimale aux cadres sociaux.

L'examen d'une période plus proche de nous le démontre: la hausse de la violence criminelle à partir des années 60 en Amérique, y compris au Québec, fut un recul atypique presque volontaire.

Que s'est-il passé, en effet? Nous avons vécu un processus de «décivilisation», répond Pinker, qui fut le côté sombre de la contre-culture glorifiant le décrochage social, la rébellion, le terrorisme local et le crime. Souvenons-nous: en 1970, Tom Wolfe avait dressé dans Radical Chic un portrait hilarant de cette déviance, récupérée par la bourgeoisie intello-culturelle et par conséquent devenue normative. L'époque culmina avec le meurtre d'un spectateur au festival pop d'Altamont «dont les organisateurs, rappelle Pinker, avaient engagé comme agents de sécurité les Hell's Angels, vus avec romantisme comme les frères hors-la-loi de la contre-culture».

Aujourd'hui, les motards criminalisés ne servent plus de modèles (!). Tout le monde est rebelle, mais juste pour le fun, les samedis soir sans hockey. Et la violence criminelle a repris sa trajectoire descendante.

L'époque est à la «recivilisation», conclut Steven Pinker, ce qui constitue certainement une belle victoire à célébrer.