Symbole même du capitalisme depuis Henry Ford, l'automobile est en vente libre à Cuba depuis le 1er octobre. Du moins en théorie. Car la nouvelle réglementation en cette matière demeure tatillonne (le décret 292 qui la contient fait 40 pages!). Et le salaire moyen versé par l'État, qui emploie toujours 90% de la main-d'oeuvre malgré les réformes, stagne à plus ou moins 20 dollars par mois...

Est-ce à dire que les «belles américaines», ces antiques Chevrolet Bel Air et autres Chrysler Imperial composant l'image iconique de la rue cubaine, demeureront indélogeables?

Pas nécessairement.

D'une part, on sait que la vigueur du système D chez les prolétaires est directement proportionnelle à la limitation de leurs droits. Aussi, la possibilité maintenant offerte aux Cubains de se procurer légalement un «char» décuplera sans doute leur inventivité! D'autre part, les réformes initiées par Raul Castro depuis 2006 font leur petit bonhomme de chemin. La preuve en est que le nombre d'émigrés cubains - y compris les traditionnels boat people voguant sur des noix de coco vers la Floride! - a chuté jusqu'à atteindre un plancher de seulement 454 individus en 2009.

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Mais ce n'est tout de même pas le Pérou - pour ainsi dire.

S'inspirant du modèle chinois, le régime castriste tient solidement en mains les rênes politiques du pays pendant qu'il tente d'en ouvrir l'économie.

La police a en effet interpellé 563 dissidents en septembre, un record mensuel depuis 30 ans, selon la Commission cubaine des droits de l'homme et de la réconciliation nationale. Cette persistance de La Havane dans le stalinisme soft est d'ailleurs la plus douloureuse épine au pied des bruyants castrophiles occidentaux, anciens fans de Mao ou de Hoxha, vieux profs de Sciences Po et autres guérilleros à la retraite...

Par ailleurs, ouvert par décret au petit commerce et aux petits métiers, le secteur privé ne se développe que lentement, malgré la perspective de revenus alléchants. C'est pourquoi l'État cubain, qui avait annoncé 1 million (!) de mises à pied au sein de la fonction publique, n'a pu couper à ce jour que 150 000 postes.

En réalité, l'économie cubaine ne s'est toujours pas relevée de la crise déclenchée, il y a 20 ans, par l'implosion de son commanditaire soviétique - et ce, même si l'ami vénézuélien se montre généreux. En outre, la levée totale de l'embargo (et non le blocus, comme on l'entend toujours) américain ne s'est pas matérialisée, bien qu'il soit de plus en plus poreux.

Cet embargo est d'ailleurs devenu au moins aussi folklorique que la barbe du vieux Fidel. Et Washington se rend ridicule dans son entêtement à ne pas l'abroger.