Ce qu'on pourrait appeler la cérémonie de passation des pouvoirs, samedi dernier, avait quelque chose à la fois de soviétique et d'hollywoodien. Soviétique dans la façon dont l'avenir politique de la Russie a ainsi été scellé, vite fait bien fait. Et hollywoodien dans sa forme: l'immense salle remplie de membres du Parti Russie unie presque trop enthousiastes; l'entrée majestueuse des chefs; tout le «son et lumières» fait pour aguicher la télévision... rien ne manquait.

Ce qu'on voyait venir depuis longtemps s'est donc concrétisé: Vladimir Poutine succédera à Dmitri Medvedev à la présidence russe en mars 2012 - sous réserve qu'il soit élu, bien sûr, mais personne n'en doute un seul instant. Par un amendement apporté en 2008 à la constitution, il pourra remplir deux nouveaux mandats de six ans. Poutine «règne» depuis 2000, en personne ou par Medvedev interposé, et pourra donc théoriquement le faire jusqu'en 2024.

Le cas échéant, 24 ans de pouvoir peut-être pas absolu, mais certainement autoritaire, auront été octroyés à un seul chef.

À peu près autant qu'à Joseph Staline.

Réactions? Elles sont de deux ordres.

Résignées, pour une part. «Poutine pour toujours», titre ainsi un quotidien populaire sur le mode du persiflage... Ce pourrait être aussi le sentiment dominant au sein de la population. Laquelle n'oublie cependant pas que Poutine est celui qui, après les années folles de Boris Eltsine, a multiplié par sept le PIB du pays, et par dix le revenu moyen.

Sinon, chez les têtes pensantes, l'inquiétude domine: c'est la crainte de la stagnation, de l'immobilisme et d'un autoritarisme plus lourd encore. Aujourd'hui âgé de 80 ans, l'homme de la perestroïka, Mikhaïl Gorbatchev, estime ainsi que le parti de Vladimir Poutine rappelle fâcheusement le Parti communiste de l'époque... «Nous sommes habitués à ce que tout soit décidé à l'avance», ajoute (à l'AFP) le Prix Nobel de la paix, «mais nous avons tout de même l'ambition de la démocratie».

À ce point de vue, celui de la démocratie, la Russie est un formidable cas d'espèce.

À supposer qu'une telle chose existe, elle n'a jamais connu une vie démocratique pleine et entière, qui ne se résume pas à la fréquentation occasionnelle des urnes, on le constate en la circonstance. On peut évaluer une démocratie en «mesurant» un bon nombre d'autres variables telles la liberté de presse, d'association et de commerce; ou encore l'indépendance des tribunaux et de l'appareil policier.

À quel niveau d'une échelle démocratique ainsi définie se trouvera dans quelques années la Russie si Vladimir Poutine va jusqu'au bout de son agenda? L'inquiétude est permise, en effet.