En politique, il faut toujours calculer qu'on aura ses ennemis contre soi. Barack Obama aurait-il dû mieux se préparer à cet écueil inévitable - ainsi qu'à l'exceptionnelle hostilité de ses ennemis? A-t-il présumé de ses forces et de son verbe? A-t-il plus ou moins raté ainsi la première moitié de son premier (et peut-être dernier) mandat?

Oui à toutes ces questions.

Il est maintenant entendu qu'à ce jour, Obama n'a pas été à la hauteur de sa tâche ni des espoirs qu'il a suscités. Mais jamais un président n'a été critiqué de façon aussi véhémente et aussi tôt après être entré à la Maison-Blanche. Zéro lune de miel.

Rappelons l'épisode ridicule des «birthers», amorcé avant même l'élection, remettant en question la... naissance d'Obama! Le Tea Party, surgi juste à temps pour accabler le nouveau président dès le premier jour. Les hommes se présentant armés aux assemblées publiques sur la réforme de la santé. Les piques quotidiennes, violentes, parfois suspectes, des vedettes de Fox News et de l'omniprésente radio «syndicated». La quarantaine, au bas mot, de bouquins assassins publiés depuis janvier 2009 (un record de l'édition-minute!) et garnis de jaquettes proclamant: Stoppons la machine laïco-socialiste d'Obama. Ou: La Guerre de l'administration Obama contre l'Amérique. Ou simplement: La Catastrophe!

Or, c'est justement un livre (Confidence Men, du journaliste Ron Suskind, un Prix Pulitzer) qui, citant un conseiller à la Maison-Blanche, épingle aujourd'hui au dos du président l'étiquette qu'il portera désormais à vie: «Nous sommes seuls à la maison. Il n'y a pas d'adulte responsable».

Home Alone.

Ce traitement infligé au président est-il juste?

Le bouquin de Suskind est en fait un traité d'économie assez étroitement limité à cette sphère où Obama n'a pas le beau rôle, c'est entendu. Sinon, l'auteur survole d'autres péripéties de l'actuelle présidence, semblant par exemple lui reprocher son manque d'agressivité vis-à-vis du régime iranien. Mais, sincèrement, est-ce bien là une faute? Et, plus globalement, n'est-il pas prématuré d'«enterrer» Obama 30 mois après sa prestation de serment?

Notons trois choses.

Un, Franklin D. Roosevelt eut jadis à affronter une réalité un peu semblable et mit ... 12 ans à démêler l'écheveau.

Deux, dans un contexte de vide politique notamment induit par la décérébration du Parti républicain, les grands discours d'Obama sont des phares d'intelligence que la psyché américaine apercevra toujours. Le verbe compte, en effet.

Trois, cette agitation coïncide étrangement avec la fin du statut particulier brièvement accordé à un président américain et le retour du rôle «normal» de cette fonction en tant qu'objet de haine absolue, automatique et universelle.

Tout cela étant, il serait à notre avis plus sage d'ajourner pour l'instant le procès de Barack Obama.

mroy@lapresse.ca