Georges Laraque est-il heureux d'avoir troqué le hockey pour la politique? Pas sûr. Par exemple, le hockey, lui, est une activité gagnante dans la faveur populaire - et il est toujours agréable de gagner. D'où l'empressement qu'on a mis à déplacer le débat des chefs en français, qui aura lieu demain plutôt que jeudi. L'affrontement Canadiens-Bruins aurait certainement raflé, en effet, une bonne partie de l'auditoire de la joute Harper-Ignatieff-Layton-Duceppe!

En outre, Laraque l'a dit lui-même: ces élections sont inutiles. Et son entraîneuse-chef, Elizabeth May, a acquiescé sans hésitation. Inutiles? C'est l'opinion d'une majorité de citoyens, a-t-elle reconnu. Or, on a dit au fil des ans beaucoup de choses au sujet du hockey, mais jamais qu'il est inutile ...

Adoptant ensuite le ton d'un commentateur sportif parlant d'un match - crucial! - de milieu de saison entre deux équipes s'arrachant un dernier rang de division, la chef du Parti vert a ajouté que «chaque élection est importante».

Or, c'est faux.

Il ne suffit pas de hurler «Démocratie!» avec des trémolos dans la voix. Ou de faire des gros yeux au bon peuple en lui rappelant que, ici ou là, en général dans des contrées exotiques, des gens meurent pour pouvoir voter. Non. Des élections vraiment importantes doivent ... importer vraiment.

Le cas échéant, le besoin d'un scrutin se fait sentir presque viscéralement, des mois à l'avance, au sein de la population. Puis la campagne est fiévreuse, lourde de sens, pleine d'invention. Enfin, le résultat de l'exercice influe sensiblement sur le destin de la nation. Par exemple, en 1960 ou en 1976 au Québec, en 1984 ou en 1993 au Canada, le besoin, la fièvre et le résultat étaient tous trois au rendez-vous.

Aujourd'hui, de quelque point de vue qu'on les regarde, les élections ne résultent pas d'un appel irrésistible des urnes. La campagne est morne, inconsistante, désespérément convenue. Et rien de significatif ne changera au lendemain du 2 mai pour les Canadiens - hormis chez les pompiers volontaires, bien entendu!

En fait, nous avons déjà exprimé ici cette crainte: peut-être le seul souvenir tenace que laisseront ces élections sera-t-il un taux de participation encore inférieur à celui de 2008, déjà catastrophique à 58,8%.

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Les débats des chefs peuvent-ils y faire quoi que ce soit?

D'abord, on ne s'entend pas sur les conséquences des débats télévisés en général, sans égard aux singularités d'une campagne ou d'une autre: on leur attribue rarement des revirements.

Ensuite, les débats de ce soir et de demain seront des matches à trois contre un, le défenseur étant évidemment ce néanmoins premier ministre que tout le monde aime détester, même Arcade Fire... Or, si une course au filet épousant cette géométrie est enlevante sur une patinoire, elle ne l'est pas nécessairement en politique. De sorte que l'ennui guette, là aussi.

Espérons qu'on saura l'éviter.

mroy@lapresse.ca