Qui croit encore que l'Occident peut intervenir militairement en terre arabe et/ou musulmane de façon consensuelle et efficace? Après la Somalie, l'Irak, l'Afghanistan... Personne, évidemment. Alors pourquoi l'idée de débarquer sur le champ des soldats occidentaux en Libye semble-t-elle demeurer une option morale, praticable, aux yeux de plusieurs?

Qui croit encore que l'Occident peut intervenir militairement en terre arabe et/ou musulmane de façon consensuelle et efficace? Après la Somalie, l'Irak, l'Afghanistan... Personne, évidemment. Alors pourquoi l'idée de débarquer sur le champ des soldats occidentaux en Libye semble-t-elle demeurer une option morale, praticable, aux yeux de plusieurs?

En fait, même l'hypothèse souvent émise d'une fermeture imposée de l'espace aérien libyen (no-fly zone), dans le but d'empêcher l'aviation de Kadhafi de s'attaquer aux civils, est très risquée.

La Défense américaine n'est donc pas chaude à l'idée. Et ce, même si le démocrate John Kerry et le républicain John McCain, sans parler des rebelles libyens eux-mêmes, ont réclamé une telle intervention, semblable à ce qui a déjà été fait en Irak ou dans l'ex-Yougoslavie. Le secrétaire à la Défense, Robert Gates, a prévenu qu'une prise de contrôle du ciel libyen serait une opération majeure. Elle débuterait forcément par la neutralisation des installations de radar et de défense anti-aérienne (en clair: par des bombardements) ainsi que par de durs affrontements avec la chasse libyenne...

De plus, le Conseil de sécurité de l'ONU n'a donné aucun mandat en ce sens.

* * *

Que faire alors?

De la même façon qu'il lui fallait éviter de se mêler des soulèvements tunisien ou égyptien, l'Occident n'a pas à tenter d'influer sur l'Histoire en terre libyenne - sans compter que, dans cette région, on sait comment ce serait perçu...

Cependant, Mouammar Kadhafi présente un cas d'espèce, ayant plongé sa nation dans le sang pour se maintenir au pouvoir, sans intention apparente de changer de cap. Des sources libyennes parlent déjà de 6000 victimes - ce n'est pas confirmé. Et 150 000 personnes ont, depuis huit jours, franchi les frontières dans le chaos (surtout des étrangers vivant en Libye: ils sont plus de 1,5 million et fuient à raison de plus de 10 000 par jour). À la frontière est de la Tunisie, notamment, on craint le désastre humanitaire.

C'est évidemment par là qu'il faut commencer. Et le Canada est déjà impliqué dans les opérations de secours qui seront sans nul doute nécessaires à brève échéance: le NCSM Charlottetown vogue actuellement vers la Méditerranée, plusieurs autres nations prenant des mesures similaires.

Hier, pendant que la médiation offerte par le président vénézuélien Hugo Chavez ne soulevait que l'indifférence, on se préparait à un ultime et détestable recours. L'OTAN se disait prête «à toute éventualité». Et Barack Obama assurait pouvoir répondre en cas de sanglant dérapage du «roi des rois», du Guide libyen.

Celui-ci, un homme encore puissant, encore bien protégé, mais dont le jugement est erratique, va devoir choisir une voie de sortie, décidant ainsi du coût en vies humaines d'un changement de régime devenu inéluctable.