On croit avoir tout vu. Puis, soudain, survient un événement qui dépasse en horreur ce qui était auparavant considéré comme une limite infranchissable. L'indicible histoire de prédation, de torture et de meurtre du colonel Russell Williams est de celles qui parviennent à révulser l'observateur, fut-il le plus blasé, de la cruauté humaine. De celles qui tuent la foi en l'humanité; qui tuent l'espoir d'une société purgée du mal; qui tuent la vision bucolique - celle de Rousseau - d'un homme né bon, mais que la société corrompt.

On croit avoir tout vu. Puis, soudain, survient un événement qui dépasse en horreur ce qui était auparavant considéré comme une limite infranchissable. L'indicible histoire de prédation, de torture et de meurtre du colonel Russell Williams est de celles qui parviennent à révulser l'observateur, fut-il le plus blasé, de la cruauté humaine. De celles qui tuent la foi en l'humanité; qui tuent l'espoir d'une société purgée du mal; qui tuent la vision bucolique - celle de Rousseau - d'un homme né bon, mais que la société corrompt.

C'est le contraire.

L'homme naît équipé de la propension à s'adonner au mal le plus noir et c'est la société qui le civilise, de gré ou de force, n'y parvenant d'ailleurs pas toujours.

La civilisation est d'abord une affaire de police, disait le regretté Pierre Bourgault. De fait, le colonel Williams aurait continué à tuer si les policiers ne l'avaient pas appréhendé. Après une escalade à composante d'abord narcissique et fétichiste évoluant vers le contrôle et la violence, c'est à un niveau dramatiquement supérieur qu'il en était arrivé dans l'échelle du mal. Et il ne pouvait plus que grimper encore, si une telle chose est possible.

Cette saga sert un cruel démenti à la conception lénifiante que nous en sommes venus à avoir du genre humain, une conception selon laquelle il n'existe que de pauvres victimes, pas de bourreaux. Alors, voilà. Au fond, nous le savions, mais nous nous le faisons rappeler de façon brutale: le mal existe. Et des bourreaux, des vrais, des irréformables, ça existe aussi.

Le colonel Russell Williams en est un.

* * *

Un nouveau Paul Bernardo, donc? Non. C'est pire.

Russell Williams faisait partie de la minuscule élite qui a un statut, du pouvoir et, oui, un rôle de modèle. Et on ne peut plaider à sa décharge que la carrière militaire induit automatiquement la violence. C'est faux. Trenton n'est pas une zone de guerre où, c'est vrai, des soldats peuvent adopter des comportements déviants. Et Williams était un officier de haut rang, sans contact direct avec le combat. Bref, non seulement il n'y a pas d'excuses à chercher du côté de sa carrière, mais elle doit même apparaître à la colonne des circonstances aggravantes.

Cela dit, le pire est qu'on ne peut pas infliger à cet homme une punition à la hauteur de ses crimes.

Certains réclameront la peine de mort. Ce n'est pas une bonne idée. D'abord, un État moral n'assassine ses citoyens sous aucun prétexte, même pas le plus abject d'entre eux. Ensuite, la peine de mort ne dissuade pas, encore moins les auteurs potentiels de crimes de ce type.

Une seule chose importe maintenant: que cet homme-là ne soit plus jamais, jamais, en position de faire du mal à un autre être humain.