L'un est par définition politique, l'autre pas. Pourtant, le choix des lauréats des prix Nobel de la paix et de la littérature repose presque toujours, dans les deux cas, sur la volonté de transmettre un message politique. Nonobstant, bien sûr, le talent littéraire réel - ou pas - du nobélisé de l'art de l'écriture...

L'un est par définition politique, l'autre pas. Pourtant, le choix des lauréats des prix Nobel de la paix et de la littérature repose presque toujours, dans les deux cas, sur la volonté de transmettre un message politique. Nonobstant, bien sûr, le talent littéraire réel - ou pas - du nobélisé de l'art de l'écriture...

En deux jours, donc, le dissident Liu Xiaobo, actuellement emprisonné par le régime communiste chinois, ainsi que l'écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, critique des pouvoirs latino-américains marqués à gauche, ont reçu l'un et l'autre prix.

Liu Xiaobo, 54 ans, le plus célèbre des opposants chinois, a été honoré en raison de son «long combat non violent en faveur des droits fondamentaux en Chine». Et l'oeuvre de Mario Vargas Llosa a été couronnée pour «sa cartographie des structures du pouvoir et ses images aiguisées de la résistance de l'individu, de sa révolte, et de son échec».

On considérera le courage certain que manifeste le comité norvégien chargé d'attribuer le prix de la paix. Pékin avait en effet prévenu Oslo qu'honorer Liu Xiaobo brouillerait leurs relations diplomatiques. Dès hier, le régime chinois a d'ailleurs qualifié d'«obscène» la décision des Norvégiens.

C'est d'autant plus remarquable que le comité n'a pas toujours eu cette sorte de courage. Encore récemment, il lui est arrivé de couronner des personnalités dont l'apport pacificateur était plus que douteux, mais ayant le mérite d'être consensuelles. Pensons à Barack Obama, l'an dernier; ou à Al Gore et au comité onusien sur le climat, en 2007.

D'ailleurs, l'académie suédoise n'a pas non plus manqué d'un certain cran en attribuant à Mario Vargas Llosa son prix de littérature.

Au sein de la noblesse littéraire, en effet, l'engagement politique se fait obligatoirement à gauche. Et, de Gabriel Garcia Marquez à Harold Pinter, les élus du Nobel de littérature ont en général été choisis en tenant compte de cet édit.

Or, face à cette cour, Vargas Llosa est lui aussi un dissident.

Souvent seul de son camp, l'écrivain de 74 ans a toujours combattu le folklore messianique et le penchant autoritaire des gauches plus ou moins extrêmes installées au pouvoir, de Castro à Chavez. Il est littéralement l'anti-Garcia Marquez! (Anecdote: le fils de Vargas Llosa, Alvaro, a cosigné en 2000 le Guide du parfait idiot latino-américain, ouvrage qui déchiquète le mythe éculé de la révolutionnne...)

Bref, dans les deux cas, les tambours et trompettes du Nobel font, cette année, oeuvre utile sur le terrain politique en lançant un double message. Pour les Chinois, le progrès doit consister à donner une suite démocratique à leur spectaculaire réforme économique. Et, pour les Latino-Américains, à tourner la page sur un passé fait de légendes, d'illusions et de fréquents échecs.