Cette industrie est minuscule: à Montréal et à Québec, on dénombre au total moins de 40 permis de calèche. Elle est cependant pittoresque: rue de la Commune ou Grande-Allée, ces équipages semblent faire partie du paysage depuis toujours. Mais voilà: la persistance au XXIe siècle de cette activité précisément fondée sur l'anachronisme est fortement contestée.    

Aujourd'hui, à Québec, une manifestation est organisée dans le but de réclamer de la Ville, à défaut d'un bannissement des calèches, des règles plus sévères quant à leur exploitation.

Depuis 10 ans, le nombre de caléchiers a diminué, on les a mieux encadrés, mais ils ne sont pas disparus. Cette fois, l'émoi est vif. Trois accidents de calèche ont eu lieu à Québec, cet été; un cheval a dû être euthanasié en pleine rue. Les comédiens Gilles Latulippe et Patricia Tulasne ont alors demandé au maire Régis Labeaume de montrer du «respect et de la compassion» pour des bêtes victimes de «pratiques désuètes et cruelles».

Bien entendu, les cochers soutiennent que leurs chevaux sont bien traités et que les calèches constituent un attrait touristique irremplaçable.

Aussi, l'affaire n'est pas facile à trancher.

Dans toutes les villes où on offre des excursions en calèche (elles sont bannies en maints endroits, dont Paris), existe un fort mouvement d'opposition.

Cependant, nulle part ce mouvement n'est-il aussi impétueux qu'à New York, où plus de 200 chevaux tirent les 68 voitures détentrices d'un permis. En 2008, le film Blinders (du nom des oeillères portées par les chevaux), de Donny Moss, dévoilait les conditions de vie misérables et dangereuses des bêtes travaillant dans la Grosse Pomme. Il y a quelques semaines, cédant à la pression, le conseil municipal resserrait le cadre d'exploitation, imposant notamment des vacances pour les chevaux.

Ici, des règles plus strictes suffiront-elles, étant donné qu'elles sont déjà sévères, comme le plaident les caléchiers  Ou faut-il viser la disparition de cette activité?

Essentiellement, la réponse dépend de l'attitude que nous convenons d'adopter à l'endroit des bêtes. En particulier envers les espèces animales supérieures. Et plus spécifiquement encore à l'endroit de celles qui sont proches de nous depuis des siècles par le travail, la protection, le secours, le compagnonnage et même l'affection. (On lira à ce sujet le blogue de l'édito sur Cyberpresse.)

Ainsi, on peut honnêtement considérer que le «travail» consistant à tirer une calèche, par tous les temps, sur une surface inappropriée, dans des rues étroites, souvent en pente, à travers une circulation bruyante, asphyxiante et dangereuse, n'est pas une vie pour un cheval.

Et honnêtement considérer aussi que, dans le rapport coûts-bénéfices, les modestes revenus tirés de cette activité ne valent pas la perte de dignité encourue.