Le XXIe siècle est-il vraiment religieux, comme l'aurait jadis prédit un célèbre homme de lettres et ministre français des Affaires culturelles? En fait, cet homme, André Malraux, n'a apparemment jamais dit ça. Et s'il avait eu à se prononcer sur le siècle présent, probablement l'aurait-il plutôt vu comme devant être culturel: la culture, c'était sa passion.

Le XXIe siècle est-il vraiment religieux, comme l'aurait jadis prédit un célèbre homme de lettres et ministre français des Affaires culturelles? En fait, cet homme, André Malraux, n'a apparemment jamais dit ça. Et s'il avait eu à se prononcer sur le siècle présent, probablement l'aurait-il plutôt vu comme devant être culturel: la culture, c'était sa passion.

Une décennie s'est écoulée depuis l'an 2000. Il est donc facile aujourd'hui d'apprécier l'importance croissante de la culture. Et l'importance de ce qui la compose: le savoir, les idées, l'information ainsi que, oui, les religions. Car, aussi détestables soient-elles, elles ont historiquement porté les idées-cadres des différentes sociétés. Bref, le moteur principal du XXIe siècle n'est pas la religion, mais bel et bien la culture.

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Un empire est puissant dans l'exacte mesure de la force de projection de sa culture. C'est principalement pour cette raison qu'il n'y en a aujourd'hui qu'un seul...

Pourtant, les États-Unis nagent dans les déficits, vivent à crédit, ne gagnent plus de guerres, ne conquièrent plus l'espace, ne sont plus la manufacture du monde et sont universellement détestés. Ce qui n'empêche pas Nike de demeurer la chaussure officielle tant de la «rue arabe» que des hoods de Los Angeles! En clair: l'hyperpuissance culturelle américaine résiste et même profite encore.

Jusqu'à quand? C'est une autre question.

Du Brésil à l'Égypte en passant par l'Inde et la Chine, les puissances émergentes - ou récemment émergées - revendiquent leur part d'«hégémonie» culturelle et se battent pour y parvenir.

Or, toutes se sont rendu compte que les guerres du XXIe siècle ne se gagnent plus sur les champs de bataille, mais dans les médias, piliers de la puissance culturelle. (Par exemple, au début de l'été, l'armée israélienne a facilement arraisonné une flottille voguant vers Gaza... mais Israël a tout de même perdu la bataille sur tous les écrans de la planète.) Ce n'est donc pas un hasard si les États aspirant à un quelconque pouvoir transfrontalier fourbissent leurs armes culturelles. Et se dotent au premier chef de la mère de toutes ces armes: la télé d'information en continu.

Ainsi, on se souvient de toute l'agitation politico-patriotique qui a entouré, en 2006, la création de la chaîne France 24. C'était la créature du président Jacques Chirac, qu'il a ouvertement dotée d'un rôle paradiplomatique.

À cause d'Al-Jazeera, le Qatar, ce minuscule État de 800 000 habitants, jouit d'une gigantesque influence. La chaîne diffusée en arabe et en anglais dans le monde entier, y compris maintenant au Québec, est le «ministère des Affaires étrangères du Qatar», dit Atef Dalgamouni, un de ses fondateurs (dans Mainstream, de Frédéric Martel).

En Amérique latine, la chaîne TeleSUR, elle, est le bébé du président vénézuélien Hugo Chavez. Un professionnel de la télé de Caracas, Marcel Granier, dit d'elle  «C'est un instrument stratégique. Elle fait littéralement la guerre» (toujours dans Mainstream).

Cette guerre mondiale de l'information est rude, mais demeure sur le terrain de la diplomatie. D'autres types de guerre culturelle font des morts. Beaucoup de morts.

Nous publions aujourd'hui le premier de trois éditoriaux sur la culture au XXIe siècle.

DEMAIN: Victimes de la culture