Nous publions aujourd'hui le second éditorial sur l'avenir des États-Unis.

Autrefois, Bobettes en feu aurait été le titre d'un film olé-olé... Aujourd'hui, le sous-vêtement allumé dans un avion volant au-dessus de Detroit fait partie de l'arsenal guerrier utilisé contre les États-Unis. C'est-à-dire un objet porteur de la haine inextinguible dirigée contre la nation qui demeure, pour l'instant, la plus puissante au monde.

C'est plus que contrariant.

S'il n'a tué personne, l'attentat de décembre coûtera des milliards supplémentaires en sécurité aéroportuaire. Seulement au département de la «Homeland Security», se prémunir plus généralement contre la haine coûtera en 2011 plus de 55 milliards US, à peine moins que les revenus totaux (60 milliards) du gouvernement du Québec! À cela s'ajoutent les pharaoniques dépenses militaires des États-Unis (550 milliards), dont une partie est statutaire ou à usage offensif, mais une autre répond à l'agression.

 

Tout cela contribue évidemment à créer une situation économique sans précédent, premier symptôme du déclin tant de fois annoncé, mais cette fois peut-être réel, de l'empire américain.

Ainsi, en 2019-2020, le déficit de l'État fédéral se situera toujours à un niveau insoutenable, plus de 5% du PIB, ce qui gonflera encore une dette déjà gargantuesque. Qu'est-ce que cela signifie? Pas de progrès possible en politique intérieure. Et, en politique extérieure, une interrogation exprimée (dans le New York Times) par le premier conseiller économique de la présidence, Lawrence H. Summers: «Combien de temps le plus gros emprunteur de la planète pourra-t-il demeurer la première puissance mondiale?»

Pas beaucoup.

Le banquier chinois n'attend-t-il pas la passation des pouvoirs?

Est-il exact, donc, que les empires se suicident plutôt que d'être assassinés?

Dans ce cas-ci, il y a l'un et l'autre.

De fait, on essaie de tuer - y compris littéralement! - les Américains.

En même temps, ceux-ci semblent bel et bien répondre à une sorte de pulsion suicidaire. Elle s'est incarnée en une personne, George W. Bush, titulaire de la présidence la plus autodestructrice de l'histoire américaine, dont le pays est incapable de se remettre. Et elle s'est traduite en une quantité de phénomènes tout aussi destructeurs. À partir du retour du prosélytisme religieux jusqu'au triomphe épisodique du capitalisme mafieux. En passant par le déclin du statut du savoir et la dégradation de l'instinct de survie... deux phénomènes qui, il est vrai, sont encore plus accablants ailleurs en Occident.

Les États-Unis peuvent-ils éviter un lent déclin qui les relèguera à l'histoire sous la même rubrique que les métropoles européennes déchues, confortablement installées depuis un demi-siècle dans un confort indifférent au sort du monde?

Pour l'instant, cet avenir semble leur être promis.

mroy@lapresse.ca