Il y a peu, La Presse a publié la lettre d'une dame d'ici qui, bouleversée par le drame des enfants de Port-au-Prince, s'écriait: «Si je pouvais, je prendrais le premier vol en direction d'Haïti pour aller tous les secourir et les ramener ici.» Pour elle, ce n'était pas qu'une parole en l'air: elle a déjà adopté trois enfants haïtiens!

Cependant, malgré l'ouverture de Québec à une accélération des procédures dans les dossiers d'adoption déjà traités par les bureaucraties, les enfants haïtiens ne viendront pas tous ici. Les adultes non plus, d'ailleurs, quelle que soit la définition que l'on donne à la famille élargie.

Seule une infinitésimale proportion des 8 à 9 millions d'Haïtiens rejoindra la diaspora, ici ou ailleurs.

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Au cours des jours qui viennent, l'émotion qui a pris le monde entier à la gorge depuis 12 jours va graduellement s'estomper. Les médias vont délaisser les reportages human dont ils ont garni leurs pages et leur temps d'antenne. Dans le silence, bientôt presque dans l'oubli, il faudra planifier puis effectuer le véritable sauvetage d'Haïti.

Ça demandera moins d'émotion, mais plus de raison.

Ainsi, même le plus gigantesque plan d'adoption internationale d'enfants haïtiens ne serait qu'un épiphénomène. Les experts ne le recommandent d'ailleurs pas. Le déracinement est souvent brutal et il y a risque élevé de trafic. Selon l'ONU, plusieurs des 200 orphelinats haïtiens sont soupçonnés de s'y livrer. Et le statut parfois indéchiffrable des enfants, notamment des «restavecs» donnés par leur famille, complique encore la situation. Hier, l'Unicef annonçait que des enfants sont déjà portés manquants dans des hôpitaux, depuis le séisme.

De même, une immigration générale massive, fut-elle à la hauteur du quota québécois de 50 000 arrivants, ne serait qu'une solution illusoire.

D'abord, on ne rebâtit pas un pays en travaillant à le vider! Ensuite, la communauté haïtienne d'ici n'est pas très confortable: près de 40% vivent avec de faibles revenus (ce qui n'empêche pas la diaspora haïtienne, partout dans le monde, d'être extraordinairement dévouée: en 2008, elle a expédié 1,3 milliard US dans la mère patrie, davantage que l'aide institutionnelle de 912 millions!). En outre, «l'intégration est difficile, lente et parfois décevante», rappelle (ci-contre) un Canadien d'origine haïtienne.

Bref, c'est là-bas, pas ici, que tout va se jouer.

Donner à Haïti du secours et lui permettre un progrès durable ne se fera pas en «important» ses enfants et ses forces vives. Mais en y exportant de la logistique, du capital et ce qui sera bientôt tout aussi essentiel: des emplois.

Lundi, la communauté internationale représentée à Montréal devra trouver le moyen de vraiment s'y consacrer.