Il faut savoir choisir ses combats. Celui consistant à s'opposer à la construction de minarets, en Suisse, n'était ni légitime ni utile. Il faut savoir lire entre les lignes. Quelque 57,5% d'Helvètes ont acquiescé par référendum à cette proposition appuyée par divers partis d'une droite plus ou moins extrême, plus ou moins chrétienne; malgré ce douteux parrainage, les citoyens avaient un message à livrer qu'il serait imprudent d'ignorer.

Il est d'ailleurs révélateur que, de tous côtés, mosquée de Genève ou Front national en France, ministres «pro-minarets» ou parlementaires «anti», une même constatation ressort (sur des modes différents, bien entendu): il existe une inquiétude dans toute l'Europe face au retour du religieux dans sa version islamique.

 

«Il n'est pas certain que d'autres, à leur place, auraient voté différemment», constate par conséquent Le Monde en prenant connaissance de la décision des Suisses.

On sait que cette sorte d'inconfort n'est pas inconnue au Québec non plus: après le déni, puis la moquerie, puis le mépris, il a fallu se rendre à l'évidence. Et il est assez amusant de voir Ottawa distribuer aujourd'hui aux immigrants un guide dont quelques lignes rappellent le fameux «code de vie» d'Hérouxville!

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Car, justement, la question est: comment prendre en compte à la fois l'inquiétude et la réalité?

La Suisse n'est ni la Grande-Bretagne ni la France où, la violence ayant sévi, on comprendrait mieux un pur réflexe de peur. Les 300 000 à 400 000 musulmans suisses sont en général bien intégrés, rompus à la laïcité, peu portés sur la version radicale de l'islam. Il y a déjà quatre minarets en Suisse; aucun n'a créé de calamité.

Et à supposer qu'on ait voulu lancer un message à portée continentale (contre la tentation de la violence, contre le prosélytisme, contre la révolution démographique, qui ne sont pas des inventions), le porte-voix empoigné est inadapté.

La campagne, scandaleusement agressive, visait en effet des objets virtuels... comparables à nos bons vieux clochers!

D'abord, il est injuste de s'en prendre aux uns et pas aux autres. Ensuite, un minaret est un objet architectural ne suggérant ni une répudiation des valeurs fondamentales de l'Occident. Contrairement à la burqa qui transmet bel et bien ce message. Ni une mainmise sur le pouvoir politique. Pas plus, pour prendre un repère local, que la croix du mont Royal... alors que le crucifix de l'Assemblée nationale, lui, s'approprie symboliquement la législature.

Bref, tout ça est un beau gâchis, typique des embourbements parareligieux.

Et il reste maintenant à espérer que l'affaire ne déclenchera pas les terribles violences que les caricatures danoises, par exemple, avaient entraînées.