Les progrès qui ont amélioré notre sort ne découlent pas nécessairement d'interventions lourdes et coûteuses: souvent, ils ne nécessitent aucune révolution et ne coûtent pratiquement rien. C'est le cas du lavage méthodique des mains en milieu hospitalier, qui a sauvé des millions de vies. Et ce pourrait être également sur le mode de la légèreté et de la frugalité qu'on innovera dans le dossier des changements climatiques.

Les progrès qui ont amélioré notre sort ne découlent pas nécessairement d'interventions lourdes et coûteuses: souvent, ils ne nécessitent aucune révolution et ne coûtent pratiquement rien. C'est le cas du lavage méthodique des mains en milieu hospitalier, qui a sauvé des millions de vies. Et ce pourrait être également sur le mode de la légèreté et de la frugalité qu'on innovera dans le dossier des changements climatiques.

Seule difficulté: auprès des pouvoirs, les solutions simples et peu coûteuses n'ont jamais eu bonne presse...

C'est une des conclusions qui se dégage du véritable bazar qu'est SuperFreakonomics, tout juste débarqué en librairie dans le monde anglo-saxon.

Il s'agit du deuxième ouvrage de Steven D. Levitt et Stephen J. Dubner, qui sont respectivement économiste et journaliste, affiliés au New York Times. En 2005, ils ont signé Freakonomics (à peu près traduisible par Bizarreries de l'économie, mais qui a gardé son titre original en version française). Freakonomics est l'un des rares traités d'économie à être devenu un best-seller mondial.

Or, la raison même de cette popularité est intéressante.

Levitt et Dubner ont abordé maints sujets sous un angle nouveau, ce qui les a menés à des découvertes inusitées... souvent contestées, d'ailleurs, parce qu'elles sortent réellement de l'ordinaire.

Ils ont ainsi voulu démontrer, dans leur dernier livre ou dans le précédent, pourquoi les revendeurs de crack demeurent chez leur maman; pourquoi les auteurs d'attentats-suicide feraient bien de contracter une assurance-vie; pourquoi les tarifs des prostituées ont beaucoup diminué (et comment des singes femelles vendent leur corps!); pourquoi l'accès légal à l'avortement a réduit le taux de criminalité; pourquoi les lutteurs de sumo trichent...

Tout cela ne pourrait être qu'anecdotique.

Mais cette démarche inédite mène au contraire à quelque chose de fondamental. À savoir que l'écrasante majorité des décisions que prennent les êtres humains s'explique, non pas par d'admirables réflexes d'altruisme, ni d'ailleurs de pur égoïsme. Mais bien par des décisions économiquement rationnelles qui n'excluent pas des considérations sociales ou émotionnelles.

Ainsi, l'effet bénéfique du lavage des mains dans les hôpitaux a été établi au XIXe siècle par un médecin autrichien motivé par l'altruisme... mais qui a tout de même sombré dans la folie lorsque sa contribution n'a pas été reconnue.

De même, croire que les changements climatiques seront évités par des gestes désintéressés et gratuits, ou par de gigantesques transferts de capitaux des «riches» vers les «pauvres», est une utopie ésotérique ou néomarxiste. Par contre, des technologies flyées expérimentées par des cracks de la science – que Levitt et Dubner décrivent – pourraient fonctionner parce que, économiquement, elles pourraient avoir du sens.

Bref, la bizarrerie contrôlée est parfois la seule attitude raisonnable: c'est le message essentiel de SuperFreakonomics.