Beaucoup de souffrance et de silence. Mais beaucoup de beauté aussi dans Enquête de paternité, un album de textes et de photos* qui parle des pères. De tous les pères. Les absents sont là aussi, et les silencieux, et même les violents.

Que reste-t-il de ces pères une fois qu'ils sont disparus? C'est la question fondamentale que pose Geneviève Landry, intervenante auprès des hommes en difficulté, qui a eu l'idée de cet ouvrage. Pas évident. «Certaines femmes de mon entourage me surnomment la traîtresse», écrit-elle. Et elles lui demandent si, lorsqu'elle rencontre des hommes, elle est souvent agressée... Comment, baignant dans cette ambiance de haine, Geneviève Landry est-elle parvenue à aimer assez l'autre sexe pour lui donner ainsi la parole?

 

Peu importe.

«Ses» hommes sont beaux. Et leurs fils, pères à leur tour, se rappellent d'eux.

Lorsque Réjean Houle a gagné une première coupe Stanley, son père, un homme fier et taciturne, lui a tout juste dit: «C'est beau, mon gars.».Houle parle aujourd'hui de force tranquille, de vaillance et de solidité.

Raymond Gravel, le prêtre, a eu un père qui «ne savait manifester ni tendresse, ni affection, ni amour». Avant de mourir, cet homme a pour la première fois dit à son fils quinquagénaire qu'il l'aimait, puis s'est éteint «tout doucement, sa tête dans mes mains». Gravel a retenu qu'il faut répandre l'amour.

De son père, le comédien Guillaume Lemay-Thivierge a appris le plaisir de jouer, le rire, la confiance. Lorsqu'il doute, le comédien entend une petite voix qui dit: «T'es capable, mon pit, amuse-toi...»

«Je ne sais toujours pas à quoi je sers...» avoue Jean-René Dufort, l'Infoman, en parlant de son rôle de père. La question est remarquable parce qu'elle rejoint exactement celles que pose Geneviève Landry: qu'est-ce qu'un père et qu'est-ce que ça laisse en héritage?

Voyons voir.

D'abord, le père n'est-il pas un géniteur? Certes, jusqu'à ce que la science du clonage lui donne congé! Ensuite, un pourvoyeur? Oui, mais dépouillé de la noblesse d'une fonction désormais assumée en... garde partagée. Enfin, une autorité respectée dans sa famille (sorte de «Cour suprême» domestique, illustre comiquement Marcel Sabourin)? Terminé: l'État, l'idéologie et le consumérisme ont dorénavant beaucoup plus d'autorité et forcent bien davantage le respect.

Ainsi, dans une ou deux générations, un père aura-t-il encore quelque chose à dire à une femme qui, éventuellement, s'adonnerait à une nouvelle «enquête de paternité»?

C'est angoissant d'avoir à y penser.

* Les photos, magnifiques, sont de Sébastien Raymond et sont aussi exposées à l'Écomusée du fier monde.

mroy@lapresse.ca