À qui appartient-il d'établir des normes de «gestion de la diversité culturelle» dans les institutions publiques? Au chef de gouvernement ou aux «gérants de cafétéria», comme on l'a caricaturé? C'est une des questions que pose le projet de loi 16 déposé à Québec par la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Yolande James.

Le projet de loi soulève d'autres interrogations.

Par exemple: comment se fait-il que le dossier des accommodements raisonnables - déjà vu?... - ne soit pas encore classé, alors que deux de nos plus grands intellectuels y ont consacré autant d'efforts?

Et encore: lorsque des demandeurs d'accommodements nous parlent de valeurs, de culture et de civilisation, pourquoi ne sommes-nous pas capables de leur répondre autrement qu'en termes désespérément terre-à-terre de plomberie politique? De coude, ou de robinet, ou de bout de tuyau, qu'il s'agit de souder à l'aqueduc social afin d'accommoder raisonnablement la soif du client?

Sommes-nous des demeurés? Des êtres inférieurs? Pourquoi, comme le font avec dignité ces demandeurs, ne nous élevons-nous pas au niveau des valeurs, nous aussi? Au niveau de la culture? Au niveau de la civilisation?

Cette fois, ce sont des candidats à l'obtention du permis de conduire qui ont versé la proverbiale goutte d'eau destinée à faire déborder...

Invoquant leurs valeurs, des juifs et des musulmans ont demandé à être testés par une personne du même sexe. La Société de l'assurance automobile du Québec a acquiescé (d'autres institutions publiques font apparemment de même). La Commission des droits a donné son aval. Tout comme, hier, la ministre de la Condition féminine, Christine St-Pierre.

Message: lorsque le cas se présente, le plombier n'a qu'à ajuster une valve ou un fitting sous le guichet du fonctionnaire, c'est tout!

Pas grave, voyons donc...

Dans une société où la laïcité institutionnelle est branlante, il faut pourtant décider si la religion a, oui ou non, préséance dans les faits sur l'égalité des sexes. Ou sur la non-discrimination pour cause d'orientation sexuelle: un dévot ne va-t-il pas un jour refuser un examinateur gai? Ou sur la liberté d'expression: un seul journal au Canada a publié les caricatures de Mahomet... et, sur plainte d'intégristes, son éditeur a été poursuivi par l'État!

Certes, le gouvernement de Jean Charest n'est pas précisément réputé pour son courage dans l'adversité. Mais on ne peut plus continuer à rafistoler lorsque la tuyauterie sociale éclate.

Le premier ministre doit renoncer à se cacher derrière Gérald Bouchard, Charles Taylor, la SAAQ, la Commission des droits, les gérants de cafétéria. Il doit faire preuve d'élévation; parler clairement de l'inviolabilité de nos valeurs fondamentales; expliquer lui-même comment, en tant que chef de gouvernement, il souhaite que soit gérées ces valeurs dans l'espace public.