Malgré la peur qu'inspire la perspective d'être victime d'un accident ou de quelque événement violent, chacun peut être raisonnablement certain qu'il sera plutôt terrassé par la troïka tueuse du siècle: cancer-coeur-poumons. Sur les 226 500 décès enregistrés au Canada en 2004, en effet, 6% seulement (13 667) ont été accidentels ou liés à une forme ou une autre de violence.

Pourtant, ces façons de mourir nous hantent.

Elles frappent l'imagination. Souvent, on nous les montre à la télé ou on nous les décrit à la rubrique des faits divers. «Nous surestimons la possibilité de mourir lors des événements qui font les manchettes (mais) sous-estimons la probabilité de mourir lors des événements qui sont passés sous silence», constate le journaliste canadien Dan Gardner dans Risque/La science et les politiques de la peur.

 

Même à l'intérieur de la catégorie «mort violente», il n'est pas certain que les efforts de prévention - décidés par les gouvernements, eux-mêmes tributaires de l'opinion publique - soient toujours bien ciblés. C'est-à-dire: dirigés vers les dangers réels, plutôt que vers ceux qui, pour une raison ou une autre, sont... à la mode, pour ainsi dire.

Les morts et blessures occasionnées par les accidents ou la violence coûtent 19,8 milliards$ par année au pays (600$ par citoyen), a calculé une ONG canadienne, Smartrisk/Sauve-Qui-Pense. Selon celle-ci, l'éducation, la prévention active et la réglementation pourraient alléger ce bilan, déjà moins lourd aujourd'hui qu'il ne l'était il y a 10 ans.

Seulement voilà: où aller chercher le «profit» convoité? Actuellement, l'attention médiatique ainsi que les grandes campagnes sociétales visent principalement les accidents de la route, les accidents de travail, la violence conjugale, le crime crapuleux.

Or, mise à part la maladie, de quoi meurt-on réellement (ou est-on grièvement blessé) au Québec?

En tête de liste, vient le suicide, autour duquel le silence est pourtant quasi total: 1198 décès, proportionnellement beaucoup plus que dans les autres provinces et touchant trois fois plus d'hommes que de femmes. En fait, le suicide tue bien davantage que les accidents causés par toutes les façons possibles de se déplacer (739), incluant l'auto, le vélo, la motoneige, le VTT et la marche à pieds!

Quant au crime, «chouchou» des médias et des pubs étatiques, objet d'une considérable agitation policière et communautaire, il a fait... 100 morts au Québec en 2004, surtout des hommes, qui ont deux fois plus de chances d'être victimes de violence, établit Smartrisk/Sauve-Qui-Pense.

Voilà pour la situation actuelle. Mais demain?

Demain, en raison du vieillissement de la population, les accidents domestiques tueront probablement beaucoup plus qu'aujourd'hui. L'incidence des chutes mortelles, par exemple, atteint 45 par 100 000 habitants chez les plus de 65 ans des deux sexes, un risque jusqu'à 60 fois plus élevé que chez les adultes moins âgés.

Comment l'éducation, la prévention et la réglementation parviendront-elles à tempérer - autant que faire se peut - ce risque? Il s'agira d'un défi intéressant à relever.