Fin de la campagne électorale afghane, hier. Le dernier acte s'est joué dans le stade de Kaboul, ce lugubre lieu d'exécution sous les talibans. C'est là qu'un candidat (parmi une quarantaine) à la présidence, Abdullah Abdullah, ex-ministre et principal adversaire d'Hamid Karzaï, a tenu une ultime assemblée publique.

Dans 48 heures, les Afghans devront élire un président et 420 conseillers provinciaux en se présentant dans l'un ou l'autre des 7000 bureaux de vote semés dans les 34 000 villes et villages du pays. C'est le premier scrutin organisé par les Afghans eux-mêmes. Et on n'a pas la moindre idée de la façon dont tout ça va se passer. Si les gens iront voter. Ou si la journée se terminera dans le sang.

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Posée simplement, la question est: peut-on, devant la situation qui prévaut en Afghanistan, avoir encore la foi?

Et d'abord, les Afghans eux-mêmes croient-ils encore aujourd'hui à cette démocratie, dont les élections sont le premier symbole et la première nécessité? Autour des élections de jeudi règne une telle confusion qu'on ne sait plus très bien si, a posteriori, elles seront vues par la population comme une avancée ou un recul.

Plus ou moins 15% des 17 millions d'électeurs inscrits pourraient être des «électeurs» frauduleusement inscrits - et personne n'ose se prononcer sur la façon dont se fera le décompte des voix. Jeudi, entre 8 et 12% des bureaux de scrutin n'ouvriront vraisemblablement pas, parce que les bulletins n'y seront pas parvenus ou parce que la sécurité sera insuffisante. Même là où ce sera ouvert, peut-être les bureaux resteront-ils déserts parce que les talibans auront réussi à terroriser, notamment en menaçant de couper le doigt encré de ceux qui auront voté.

Ou parce que les Afghans n'y croient plus, justement.

La déception qu'ils éprouvent à l'endroit d'Hamid Karzaï est grande... et justifiée. En huit ans, sous sa présidence intérimaire puis officielle, l'État s'est peu construit. La corruption a fleuri, tout comme l'économie fondée sur le pavot (un tiers du PIB afghan). Des chefs de guerre au passé douteux gravitent plus que jamais dans l'orbite du pouvoir. Loin de reculer, l'insécurité s'est accrue (133 des 356 districts sont aujourd'hui «à haut risque» ou carrément contrôlés par les talibans). Même la situation de la femme demeure scandaleuse (la répugnante loi dite du «viol domestique» est entrée en vigueur, il y a quelques jours).

Pourtant, Karzaï sera à n'en pas douter réélu, même s'il faut pour cela un second tour de scrutin, début octobre.

Lorsqu'on saura comment les choses se seront déroulées, jeudi, et ce que ça annonce pour l'avenir, la communauté internationale devra revoir de façon réaliste ses objectifs et ses projets en ce qui concerne l'Afghanistan. Ce pays qui, de toute son histoire, n'a à peu près jamais connu la paix.