Barack Obama ne serait pas né aux États-Unis, mais plutôt au Kenya, ce qui rend illégal son séjour à la Maison-Blanche. Ce sombre complot est tenu pour vérifié par une quantité non négligeable de conservateurs américains. Il a été soutenu devant des tribunaux par certains, notamment pour se soustraire à des missions de combat, car on ne saurait obéir à un commandant en chef qui n'est qu'un usurpateur. Il a même été (presque) cautionné par un commentateur de CNN, Lou Dobbs...

Ces adeptes du complot sont désignés sous le vocable de Birthers, à la fois par association et par opposition aux Truthers qui, eux, défendent diverses théories ésotériques sur le 11 septembre 2001.

 

Il y a cependant une grosse différence.

La plupart des conspiracy buffs que l'on a connus depuis un demi-siècle, dont ceux du 11 septembre, viennent de la gauche. En particulier de ce segment de la gauche que l'on regarde toujours avec inquiétude, redoutant l'apparition chez elle de nouvelles lubies potentiellement plus dangereuses.

Les Birthers, eux, viennent de l'autre extrémité du spectre politique, ce qui est un phénomène nouveau. Plus précisément, ce sont des partisans, des militants, des ténors ou même des élus du Parti républicain. La voix officieuse des franges extrêmes du parti, Rush Limbaugh, entretient cette polémique; 28% des électeurs républicains croient qu'Obama est né à l'étranger et 30% ont des doutes...

De sorte que cette affaire est en train d'enfoncer davantage encore le Grand Old Party, déjà en piètre état, dans les sables mouvants de la pitrerie idéologique et de la marginalité politique.

Certes, on peut en rire. Toutes ces simagrées nuiront bien davantage, en effet, aux républicains eux-mêmes qu'à Barack Obama. Et qui a encore la moindre sympathie pour les républicains, en particulier après le calvaire des années Bush fils? Cependant, pour la démocratie américaine fonctionnant sur le mode bipartite, le naufrage du GOP est une catastrophe.

Il ne s'agit pas tant de son naufrage électoral que de sa décomposition intellectuelle - c'est bien pire - que l'on a vraiment commencé à noter lors de l'irruption de Sarah Palin dans la dernière campagne présidentielle.

Après l'élection, David Frum, l'une des voix républicaines les plus respectées et qui a travaillé avec deux présidents, disait: «Notre parti semble aspirer à gouverner un pays qui n'existe plus.» Dans le même temps, Karl Rove, principal stratège politique de George W. Bush, ajoutait que l'avenir du parti devrait s'abreuver au «marché des idées». Cet été, l'ex-secrétaire d'État Colin Powell (qui a appuyé Obama à la présidentielle) a demandé au parti de cesser de se tasser à l'extrême droite et de rouvrir un véritable débat.

Or, pour l'instant, ces gens ne semblent avoir aucune influence. Powell a été traité de «démocrate», insulte suprême. Palin erre toujours dans le décor. Limbaugh demeure par défaut le maître à penser des républicains. Et leur dernière trouvaille intellectuelle est une théorie du complot...

Abraham Lincoln doit faire des doubles saltos arrière dans sa tombe.

mroy@lapresse.ca