Minute par minute, hier, l'affaire a pris l'allure d'un feuilleton de politique-fiction. Parti de Washington à bord d'un petit jet vénézuélien, le président destitué du Honduras, Manuel Zelaya, pourrait-il atterrir chez lui? Et si oui, serait-il arrêté par les militaires qui, il y a huit jours, au petit matin, l'ont jeté hors du pays sans lui donner le temps d'enfiler autre chose qu'un pyjama? Et autour de l'aéroport de Tegucigalpa, bouclé pour l'occasion, ces mêmes militaires allaient-ils tirer sur les partisans de Zelaya, accourus par dizaines de milliers pour l'accueillir?

Cet épisode n'était toujours pas clos en soirée, hier.

Mais il appert que l'avion de Manuel Zelaya n'a pas pu se poser à l'aéroport de Tegucigalpa. Et que la situation s'est aggravée de violences ayant fait au moins un mort...

 

Peu importe ce qui était susceptible de se produire par la suite: depuis une semaine, au Honduras, les événements rappellent ce folklore politique latino-américain qu'on a connu dans les années 60 ou 70... ce folklore des caudillos et des coups d'État, des guérilleros et des révolutions de caserne, qu'on croyait révolu.

On sait en effet ce qui vient de se passer dans ce pays, le plus pauvre de la région après Haïti et le Nicaragua.

Appuyée par la Cour suprême et le Congrès, l'armée hondurienne a destitué et exilé le président élu en 2005, Manuel Zelaya. Politicien de centre droite issu de la classe des propriétaires terriens, il s'était graduellement converti à une gauche populiste à la Hugo Chavez, adoptant certaines façons de gouverner, discutables, inspirées de celles du président vénézuélien. Dont la plus récente: Zelaya avait amorcé en juin un tortueux processus référendaire ayant pour but de modifier la Constitution afin de pouvoir revendiquer de nouveau la présidence - un processus légal ou non, les opinions divergent.

Quoi qu'il en soit, ça a été la proverbiale goutte versée dans le proverbial vase: les militaires sont intervenus.

Il y a 30 ou 40 ans, le monde entier se serait contenté de hausser les épaules devant le fait accompli. Mais aujourd'hui, ça ne passe plus: quels que soient les motifs invoqués, le coup d'État militaire ne figure plus parmi les modes acceptés d'accession au pouvoir.

Pas plus que l'ONU elle-même, aucune nation n'a reconnu le nouveau gouvernement dirigé de façon intérimaire par Roberto Micheletti. Dans la nuit de samedi à hier, l'Organisation des États américains a exclu le Honduras de ses rangs (à l'unanimité moins une voix: celle du Honduras). Le président des États-Unis, Barack Obama, s'est retrouvé du même côté que l'antiaméricain Chavez et a condamné l'intervention de l'armée hondurienne.

En pratique, le Honduras pourrait être privé de financement international et, sans doute, du pétrole vénézuélien.

On peut conclure de tout cela que les coups d'État ne sont plus ce qu'ils étaient, efficaces et définitifs. Et que, au Honduras, le gouvernement installé par l'armée ne pourra pas éviter la négociation et le compromis.