Dans deux jours, les soldats américains se seront presque entièrement retirés des villes irakiennes, laissant le fardeau de la sécurité urbaine, à Bagdad, à Mossoul, à Najaf et ailleurs, aux 750 000 militaires et policiers irakiens. Cette étape importante dans le retrait complet des troupes américaines, fin 2011, était prévue dans l'entente (dite SOFA, pour Status of Forces Agreement) signée le 27 novembre dernier entre les deux gouvernements.

C'est peut-être aussi l'étape la plus dangereuse: alors que le 30 juin approche, le niveau de violence a recommencé à monter alors que le mois de mai avait été le plus paisible depuis 2003.

 

Deux des événements les plus meurtriers - et les plus répugnants - sont survenus depuis 10 jours dans un marché public de Sadr City, un quartier chiite et pauvre de Bagdad; ainsi qu'à l'extérieur d'une mosquée de Kirkouk. Près de 150 personnes, dont beaucoup de femmes et d'enfants, ont ainsi été tuées à l'explosif. D'autres attentats encore ont eu lieu au cours des derniers jours.

Il s'agit d'une escalade dont l'objectif est clair: mettre sous pression les forces de l'ordre irakiennes. Et, peut-être, forcer les Américains à demeurer sur place, ce qui aurait pour effet d'alimenter le ressentiment envers eux.

Sur le premier point, la tactique pourrait fonctionner... à demi.

Lors de l'attentat de Sadr City, la police locale accourue sur place a bel et bien été accueillie par des roches et des injures lancées par une population s'estimant laissée à elle-même. «Les forces de sécurité irakiennes ne sont pas capables de protéger le peuple», a dit un résidant de 20 ans à l'AFP. L'encadrement policier en Irak est quatre fois plus élevé qu'au Canada (un par 134 citoyens contre un par 537), ce qui ne plaide pas en faveur de leur efficacité. Quant aux militaires, ils sont sous-équipés et très inégalement formés. Tout cela sans parler des allégeances sectaires, surtout chez les policiers, qui suscitent la méfiance en particulier de la part de la minorité sunnite.

Par contre, la population a aujourd'hui beaucoup moins de sympathie envers les insurgés de toutes obédiences et elle ne leur offre plus le même soutien logistique. C'est un facteur de sécurité aussi important que l'action de la police et de l'armée.

Pour sa part, Washington a catégoriquement rejeté l'idée de surseoir au retrait de ses troupes des zones urbaines.

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La question demeure: que va-t-il se passer après le 30 juin? Les 30 millions de citoyens irakiens, qui n'ont pas demandé à être débarrassés de leur dictateur par une force étrangère, pour ensuite se voir plongés pendant six ans dans une quasi-guerre civile, peuvent-ils aspirer à une paix au moins relative?

Il n'est peut-être pas exagéré de dire que leur avenir se jouera en bonne partie entre ce 30 juin et janvier 2010, alors que doivent avoir lieu des élections parlementaires. Une période au cours de laquelle leur sort dépendra de plus en plus d'eux-mêmes, de leur gouvernement, de leurs forces de sécurité.

C'est un test capital.

mroy@lapresse.ca