Ce sont deux gouvernements faibles, plus ou moins corrompus, administrant des armées rudimentaire dans un cas et modérément loyale dans l'autre, qui doivent aujourd'hui stopper une offensive talibane devenue beaucoup plus préoccupante au Pakistan qu'elle ne l'est en Afghanistan.

Cette faiblesse structurelle est peut-être l'élément central de ce qui est maintenant connu comme le «dossier Afpak». Celui qui, en matière de politique étrangère, définira sans nul doute la présidence de Barack Obama comme l'Irak a défini celle de George W. Bush.

 

Or, après 100 jours à la Maison-Blanche, Obama doit prendre ce dossier à bras le corps.

Hier, des combats de forte intensité faisaient rage dans la vallée de Swat, au Pakistan, entre les talibans et les forces militaires. Une large partie de la population fuyait la région (on en serait à 500 000 déplacés) et la Croix-Rouge annonçait un désastre humanitaire imminent.

Dans le même temps, les présidents de l'Afghanistan et du Pakistan, Hamid Karzaï et Asif Ali Zardari, se trouvaient à Washington où, pour parler franc, ni l'un ni l'autre n'inspire une très grande confiance. Le discours officiel a été lénifiant, bien sûr, comme il se doit de l'être. Mais on soupçonne que l'administration américaine, qui s'apprête à verser à nouveau des sommes d'argent importantes (1 milliard$US immédiatement puis 7,5 milliards en cinq ans) à Islamabad, a dû cette fois exiger un retour plus sûr sur son investissement - les 10 milliards ainsi engloutis depuis sept ans se sont à peu près évaporés.

En fait, c'est presque de la décomposition d'un État que l'on parle.

Depuis 2001, autant sous le général Pervez Musharraf que sous Zardari, le gouvernement central s'est considérablement affaibli. Et ce, alors même que les combats perdus (un taux d'échec de 70% pour l'armée à ce jour) et les compromis douteux ne réussissaient qu'à accélérer la «talibanisation» du pays. Sans parler de la hausse de la violence, y compris la plus barbare: Benazir Bhutto assassinée; 120 attentats-suicide depuis deux ans; 180 écoles non islamistes détruites; des centaines de fonctionnaires et de soldats égorgés ou pendus à des lampadaires, notamment dans ce qui est maintenant appelé le «Square du sang» à Mingora, principale ville du district cédé il y a quelques semaines aux talibans...

Au total, le «front» pakistanais est officiellement ouvert.

Signe d'un changement de perspective découlant autant de l'ouverture de ce «front» que du débarquement imminent de 21 000 soldats américains supplémentaires en Afghanistan: en visite à Kandahar, hier, le premier ministre Stephen Harper, délesté de sa rhétorique guerrière, a noté que «la mission en Afghanistan est en train de changer. Nous formons beaucoup plus les forces afghanes (et) avons aussi des objectifs civils mieux définis».

Au surplus, les Canadiens n'auront vraisemblablement aucun rôle - militaire, à tout le moins - à jouer dans ce qui s'annonce comme étant la vraie bataille, celle consistant à freiner la terrifiante décomposition de l'État pakistanais.

mroy@lapresse.ca