La question est de savoir à qui se fier. Car les preuves scientifiques présentées de part et d'autre dans le débat récurrent sur la vaccination sont du chinois pour le profane. Le documentaire de Lina B. Moreco, Silence, on vaccine, souffre un peu de cet hermétisme, puisqu'il est largement construit autour des témoignages de scientifiques. Par contre, le film est d'une insoutenable clarté lorsqu'il livre les récits de parents dont les enfants ont été rendus malades par, affirment-ils, les vaccins.

Silence, on vaccine prend l'affiche, aujourd'hui, à Montréal et Sherbrooke.

C'est un film «engagé»: il ne donne à voir qu'un côté de la médaille. Il ne possède ni l'humour cynique des pamphlets de Michael Moore; ni le pragmatisme factuel du Québec sur ordonnance de Paul Arcand, portant lui aussi sur les dégâts des apothicaires; ni la force de frappe des meilleurs «films de complot» que l'on trouve sur le web.

 

Mais il n'en est pas moins redoutablement efficace: des images déchirantes d'enfants malades à celles de mystérieux microorganismes grouillant sur des écrans d'ordinateur, le film terrorise.

Littéralement.

Silence, on vaccine s'attarde peu sur ce que l'on tient pour certain. À savoir que les vaccins peuvent entraîner des effets secondaires et que davantage de prudence serait de mise dans leur usage. C'est entendu.

Le sous-texte de ces 86 minutes est beaucoup plus lourd. Il tient en deux questions. Le passif de la vaccination est-il supérieur à son actif? Si oui, qui sont les coupables?

Sur le second point: les coupables sont les médecins et les compagnies pharmaceutiques. D'une part, les médecins sont respectés, certes, mais ils sont aussi couramment suspectés de connivence avec les seconds coupables, les pharmaceutiques. Lesquelles ont pris le relais des McDonald's, Wal-Mart et autres Monsanto au haut du folklorique palmarès du grand banditisme social! Le film se conforme à cette double perception.

Sur le premier point: dans les faits, la vaccination est, avec le recul de la pauvreté, le principal facteur de la baisse spectaculaire de la mortalité infantile dans le monde, réduite de moitié en 50 ans (20 millions sur 110 millions de naissances en 1960; 10 sur 135 en 2005). Le lien entre la vaccination et l'autisme, que le film s'efforce notamment d'établir, non seulement n'a pas été prouvé, mais a été maintes fois réfuté - entre autres par une étude réalisée à Montréal en 2003 et portant sur 28 000 enfants autistes.

Dans Silence, on tourne, un militant américain antivaccin tient une affiche sur laquelle on lit: «Dieu a fait», au-dessus de la photo d'un bébé pétant de santé; et «Les hommes ont fait» au-dessus de l'image crève-coeur d'un enfant malade.

Seulement, dans la vraie vie, la science des hommes a aussi sauvé des multitudes de petits humains que les dieux vouaient à la mort.

Faut-il, alors, terroriser?

mroy@lapresse.ca