La Cour pénale internationale a ouvert un premier procès, cette semaine, presque sept ans après sa création. Il est destiné à juger un homme, le chef de milice congolais Thomas Lubanga. À porter une cause devant l'opinion publique mondiale, celle des enfants-soldats. Et à rappeler que la République démocratique du Congo est le lieu du pire conflit - à épisodes multiples - depuis celui de 1939-1945.

Ce sont des affrontements à caractère à la fois ethnique et économique, entrecoupés de brefs moments de paix relative, dont on a déjà parlé comme étant la «première guerre mondiale africaine».

 

Entre trois et quatre millions de personnes ont péri depuis 1997 en RDC (l'ex-Zaïre de Mobutu). Le viol de masse est une arme privilégiée. Et on y a vu des massacres à la machette de civils, ce qui rappelle le sinistre chemin de croix du voisin rwandais, dont le gouvernement, les chefs de guerre et les ressortissants sont d'ailleurs lourdement impliqués en RDC.

L'état de guerre quasi permanent dans ce pays n'est cependant pas un conflit «à la mode» et l'affaire est donc largement ignorée. Le massacre d'Africains par d'autres Africains n'émeut personne, en effet, à moins qu'une grande puissance occidentale ne puisse en être tenue entièrement responsable...

Or, il n'y a pas de cette sorte de coupable désigné, et fort pratique, en RDC.

Intervient donc le procès de Lubanga, 48 ans, accusé d'avoir enrôlé, par l'enlèvement au besoin, 30 000 enfants-soldats dont les plus jeunes, garçons ou filles (ces dernières étant utilisées comme esclaves sexuelles) n'avaient que 9 ans. L'homme a été actif entre 1998 et 2003.

Certains de ces enfants, devenus adultes, devraient témoigner à partir d'aujourd'hui.

Lundi, Lubanga a nié sa culpabilité. Hier, ses avocats ont plaidé que leur client «n'a pas fait pire que les autres chefs de faction» que le procès ne saurait être juste puisqu'il ne cherche qu'à désigner un «bouc-émissaire»...

En fait, le dossier piloté par la CPI a déjà subi de nombreux retards procéduriers. Les accusations de crimes de guerre portées contre Lubanga sont partielles, puisqu'elles ne concernent que l'enrôlement des enfants-soldats à l'exclusion des autres actes criminels qu'il aurait commis (on lui attribue de 50 000 à 60 000 victimes). Les procureurs taisent, apparemment par manque de preuves formelles, les complicités de l'Ouganda et du Rwanda. Bref, l'issue est incertaine.

Or, il s'agit du premier véritable test de cette institution internationale toute neuve, que les Congolais verront sûrement comme le bras judiciaire des Casques bleus actuellement déployés en RDC. C'est actuellement, et de loin, la plus importante mission de paix de l'ONU avec 17 000 soldats, un budget de 1,1 milliard US et une flotte de 80 avions et hélicoptères.

Il faut juste espérer que cette intervention internationale notoirement inefficace (on tue et viole jusque devant les grilles des bases de l'ONU!) ne présage pas du destin de la CPI.

mroy@lapresse.ca