L'ultime adresse télévisée à la nation par George W. Bush a été étonnamment courte, 13 minutes, et empreinte d'une certaine humilité. Le président sortant est plus que jamais apparu vieilli, usé par son séjour de huit ans à la Maison-Blanche. Lui qui, depuis plusieurs semaines, a surtout tenté de justifier son bilan aux yeux de l'histoire, a cette fois plutôt loué la psyché américaine faite «de courage, de générosité et de dignité». Et il s'est dit honoré de retrouver désormais le titre, fort simple, qui lui est le plus cher: celui «de citoyen des États-Unis d'Amérique».

Mardi, Bush montera pour la dernière fois à bord du Marine One, en route pour son ranch du Texas où il sombrera lentement dans l'oubli.

 

Justement, l'histoire le jugera-t-elle aussi sévèrement que le fait aujourd'hui la population américaine? Celle-ci considère en effet que, des sept hommes ayant occupé la présidence depuis Lyndon B. Johnson, Bush fils laissera à la postérité l'image la moins honorable (selon 59% des sondés, USA Today/Gallup, publié hier). Et ce n'est pas le conservatisme qui est en cause, ni l'étiquette républicaine, mais bien l'homme lui-même. À preuve, Ronald Reagan demeure de loin le président le plus respecté, 64% des Américains conservant un souvenir de lui extrêmement positif.

Et l'image de Bush père restera aux yeux de la postérité beaucoup plus resplendissante (28% contre 17%) que celle de son fils...

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On ne refera pas le bilan de l'administration Bush, exposé partout dans toute sa désastreuse éloquence - y compris dans cette colonne, la semaine dernière.

Tout de même, il était impossible de réprimer un malaise lorsque, jeudi soir, George W. Bush a à nouveau évoqué les grands principes qui l'ont guidé. La «clarté morale», par exemple, concept qui débouche sur celui du Bien et du Mal, dont on sait ce qu'il a coûté à l'image de l'Amérique - sans parler des vies humaines qui y ont été sacrifiées et du gouffre budgétaire qu'il a creusé.

Car, si le 11 septembre 2001 a été l'événement qui a fondé la présidence Bush, la réaction à ce massacre, elle, a déclenché le déclin moral, justement, d'une administration qui, à mesure qu'elle s'enfonçait dans le mensonge et la compromission, était de plus en plus rejetée par la population. Jouissant d'un niveau d'approbation se situant à 90% au moment où les ruines du World Trade Center fumaient encore, le président sort de la Maison-Blanche avec un maigre 27% d'appui, du (presque) jamais vu.

Dans toute son horreur, le 9/11 offrait aussi une occasion exceptionnelle pour l'Amérique, qui a joui pendant plusieurs mois d'un grand courant de sympathie; ainsi que pour le monde, qu'un leader fort - et visionnaire - à Washington aurait pu guider vers le meilleur, non vers le pire.

Mieux que tout, c'est cette occasion ratée, gaspillée, perdue, qui définira demain George W. Bush.