Chaque fois, l'émission de fin d'année de la télé de Radio-Canada fait le plein d'auditoires et alimente la critique pendant des jours. De fait, le Bye Bye de cette année a attiré quatre millions de téléspectateurs et déclenché une polémique peut-être sans précédent.

C'est allé jusqu'à une conférence de presse couverte en direct, hier, comme l'aurait été l'intervention d'un chef d'État en temps de crise. Les artisans de l'émission, Véronique Cloutier et Louis Morissette, y ont présenté leurs excuses aux gens dont la sensibilité a été heurtée.

 

Nous laisserons aux psychanalystes lacaniens le soin de nous dire pourquoi un show de télé est capable, année après année, de générer une telle tornade.

De même, on pourra compter sur les différentes polices de la pensée, dont nous ne manquons pas, pour nous dire si la société d'État aurait dû censurer le Bye Bye 2008.

Car elle ne l'a pas fait.

Des cadres de Radio-Canada ont prévenu Cloutier et Morissette de la dangerosité de certains de leurs sketchs, mais ils n'ont pas tiré la plogue, comme on dit. Morissette a relevé, et c'est exact, que «Radio-Canada n'a pas l'habitude de censurer les créateurs. Et ça a donné par le passé de grandes séries qu'elle a eu l'audace de mettre en ondes». De fait, on imagine les gros titres si la société d'État avait manié les ciseaux: «Le gouvernement Harper, de droite et proche de Bush, coupe encore dans la culture»...

Au moins, ce calice nous a été épargné.

Le fond de l'histoire est que, désormais, l'humour est partout. Et que l'encombrement entraîne l'escalade et la provocation. «Nous voulions nous démarquer, surprendre, ne pas faire la même chose que les autres», ont en substance expliqué, hier, Cloutier et Morissette.

C'est le syndrome MAC/MTV.

Le vidéoclip d'une chanteuse pop ne fera les manchettes de la presse people que s'il est banni par MuchMusic parce que la diva s'y masturbe avec un crucifix. Une exposition d'art contemporain ne sera l'objet de thèses post-doctorales que si on y expose une Vierge confite dans la crotte d'éléphant.

Alors, en effet, pourquoi ne pas dénoncer la «marchandisation de l'information» en pastichant drôlement, on s'en étouffe, une victime d'abus (qui souffre de flatulences, ce qui aggrave le cas)? Et pourquoi ne pas «dénoncer le racisme» (problème numéro un au Québec, comme chacun sait) en parlant comiquement, on s'en tape les cuisses, de la big bizoune de Barack Obama?...

Les meilleurs humoristes savent éviter le piège du populisme pipi-caca enveloppé, pour séduire aussi le bourgeois, dans la rectitude politique à la mode Plateau.

Le Bye Bye 2008 n'a pas su le faire.

C'est ennuyeux.

Mais ce n'est pas un drame national.

mroy@lapresse.ca