Au cours des huit années de la présidence de George W. Bush, l'attitude de la plupart des citoyens du monde à l'endroit des États-Unis s'est radicalement transformée. En 2008, les Allemands, les Argentins et les Indonésiens, pour ne nommer qu'eux, en étaient venus à avoir une opinion défavorable de l'Amérique dans une proportion deux fois plus grande qu'en 2000 (de 78 à 30, de 50 à 22 et de 75 à 37% d'opinions positives, respectivement, selon Pew Global Attitudes).

Cela signifie que l'antiaméricanisme, phénomène qui était essentiellement élitiste, est sorti de son cadre bourgeois pour se répandre dans la population en général.

Il s'agit de l'un des plus formidables échecs du 43e président des États-Unis. Et ce, en particulier à la lumière du massacre du 11 septembre 2001, qui aurait dû générer un élan de solidarité durable envers le peuple américain.

Pour Barack Obama, qui occupera le bureau ovale dans 11 jours, revamper l'image de l'Amérique sera à la fois essentiel et ardu.

Essentiel parce que les Américains sont aujourd'hui arrivés au bout de leur pouvoir exercé sur le mode unilatéral. Ils auront besoin des autres, comme ces autres ont besoin d'eux, ce qui rend indispensable le respect mutuel.

Et ce sera ardu parce que cet unilatéralisme a en outre été exercé avec une grande incompétence.

L'aventure irakienne en est l'exemple ultime, des milliers de vies et de formidables ressources ayant été englouties dans cette lutte - toujours incertaine - à un régime exécrable, certes, mais qui ne présentait aucun danger réel pour les États-Unis... et assez peu pour quiconque n'étant pas né Irakien. On voyait déjà à l'époque, et encore mieux aujourd'hui, que le Proche-Orient, le Pakistan et l'Iran sont des éléments déstabilisateurs beaucoup plus importants, pendant des années oubliés, négligés, mal compris.

Et il y peut-être pire encore: c'est la blessure que Washington a depuis 2001 infligée aux idéaux américains, que le monde prenait au sérieux avant l'ère Bush. Guantanamo, Abou Ghraïb, la tolérance de la torture, les débordements paralégaux de la sécurité intérieure, la démocratie à vitesses multiples, la finance complètement laissée à elle-même... Comment, après cela, prêcher le droit, la justice, la morale?

George W. Bush n'a pas été un président mal intentionné.

Mais c'est un homme qui ne possédait aucune - aucune - des qualités que requiert la fonction. Ni l'intelligence de la «grande» politique. Ni la curiosité intellectuelle. Ni le jugement. Ni le charisme. Ni la dose minimale d'élévation qui a fait de certains hommes «ordinaires» des présidents capables de discerner les moments forts de l'Histoire et d'y réagir correctement - tel Ronald Reagan, par exemple, pour demeurer dans le camp républicain.

Ces qualités, Barack Obama, lui, devra les avoir toutes pour espérer rebâtir un pays blessé, diminué, humilié, haï.