Voici le dernier texte d'une série de quatre proposant une réflexion moderne sur ce qu'on appelait autrefois les sept péchés capitaux.

Des sept péchés capitaux, la paresse, l'avarice et la luxure sont sûrement les plus «vieille soutane», les moins propices à faire scandale. La paresse? Disparue. Tout le monde court du matin au soir de la garderie au boulot, du supermarché au gymnase. L'avarice? Personne ne thésaurise plus. Au Canada, le taux d'épargne représente 2,8% du revenu, cinq fois moins qu'il y a 80 ans. La luxure? Bof. Les fantasmes les plus tordus des érotomanes aux yeux fous sont disponibles sur tout bon écran d'ordinateur.

 

Seulement, est-ce bien vrai?

L'avarice, par exemple: ne fleurit-elle pas plus que jamais, après s'être transformée en cupidité? Et, se détachant de sa stricte connotation sexuelle, la luxure n'est-elle pas devenue une course à tous les plaisirs, un hédonisme compulsif qui entraîne à sa suite le rejet de toute responsabilité, en particulier sociale?

La tentation de la cupidité fait des ravages de façon égalitaire du bas en haut de l'échelle sociale. Partout, ce petit démon suggère à chacun qu'il peut s'approprier ce qu'il n'a pas gagné et ne lui revient pas.

Ainsi, la civilisation des «droits» nouveaux, du culte de la victime et de l'industrie de la mortification relève au moins en partie de la cupidité. Trouvez une victime ayant le droit d'exiger excuses et réparation... et vous aurez devant vous une personne qui attend un chèque.

Cependant, ce péché est particulièrement immoral au sommet de la pyramide sociale.

Ainsi, ce n'est pas pour rien que l'inégalité choque, bien que sa croissance ne soit pas surtout due à une plus grande pauvreté, comme on aime à le répéter. C'est la cupidité des mieux nantis qui est en cause.

Dans L'Amérique que nous voulons, Paul Krugman, Prix Nobel d'économie, établit que la disparité des revenus aux États-Unis était revenue en 2005 au niveau des années 20, âge d'or de l'inégalité (respectivement 44,3% et 43,6% des revenus allant aux 10% des citoyens les plus riches). Et ce, après une période allant des années 30 à 70 au cours de laquelle la fourchette des revenus s'est fortement compressée. Un PDG des années 30 (que le New Deal de Roosevelt avait «égalisées») encaissait 40 fois le salaire du travailleur moyen; en 2000, c'est 367 fois!

On connaît l'histoire de ce gouverneur de l'Illinois qui a mis aux enchères le poste de sénateur laissé vacant par Barack Obama. Et celle de ce courtier qui a bâti une splendide pyramide frauduleuse de 50 milliards de dollars!

Pourquoi cette course effrénée à la richesse? Pour jouir des plaisirs, bien sûr! ainsi, la boucle est bouclée.

S'il existe des fonds de placement équitable, on trouve aussi un fonds américain, Vice Fund, tirant ses profits du tabac, du jeu et de l'alcool - un peu comme l'État québécois, en somme! Au cours des six premiers mois de 2008, ce «fonds du péché» a obtenu un rendement positif de 20,6% alors que l'indice S&P 500, lui, chutait de 5%...

Pas de doute: les péchés capitaux ont un bel avenir devant eux.