Rien ne colle vraiment avec les schémas habituels. D'une part, le véritable blitz lancé contre Bombay ressemble davantage à une opération paramilitaire de guérilla urbaine qu'au type d'attentat islamiste, très «formaté», devenu banal sur presque toute la planète. Par contre, si l'affaire est de ressort local et tient à la situation du Cachemire ou à celle de la minorité musulmane en Inde, la volonté de viser les étrangers (au premier chef, Américains, Juifs et Britanniques, bien entendu) est inédite.

Hier, après plus de 24 heures d'un siège terrifiant dans la quatrième agglomération urbaine du monde (19 millions d'habitants), on savait peu de choses sur les motifs, les commanditaires, les affiliations, même la nationalité, des hommes qui ont osé ce coup de force.

Sur tous ces points, les informations demeuraient contradictoires.

Al-Qaeda ou pas? Jusqu'à un certain point, la question est futile. Il y a un certain temps déjà que l'utilisation de la violence extrême par les islamistes, dans des contextes très différents les uns les autres, sans lien logistique avec une maison-mère isolée et probablement très affaiblie, est devenue courante.

Le communiqué diffusé par les «Moudjahidin du Deccan» (le plateau du Deccan, vaste région de l'Inde, ne porte pas d'empreinte islamique particulière) offre des revendications à incidence locale. De fait, les 140 millions de musulmans indiens constituent une minorité écartée du boom économique du pays. Une minorité qui a parfois été victime d'une grande violence: en 2002, entre 1000 et 2000 musulmans ont été massacrés dans l'État du Gujerat. Une minorité qui a appris à répliquer par l'attentat conventionnel (200 victimes depuis le début de 2008) en profitant éventuellement d'une assistance pakistanaise, services secrets ou réseaux informels, dont l'ampleur n'est pas quantifiable.

La dénomination «Moudjahidin du Deccan» est inconnue au bataillon.

Mais l'État indien a été prompt à incriminer un téléguidage de l'étranger. Et, des terroristes étant apparemment entrés à Bombay par la mer, un des premiers gestes des forces de l'ordre indiennes a été d'effectuer un raid sur un navire en provenance de Karachi, au Pakistan, le MV Alpha, qui a été sans suite.

Pour l'heure, en l'absence de certitudes sur ce qui s'est réellement produit, on peut tout de même redouter certaines conséquences.

La minorité musulmane en Inde va en souffrir, puisque la tentation de la vengeance sera forte. L'économie du pays également, le commando ayant ciblé le centre financier de la nation ainsi que des monuments (l'hôtel Taj Mahal est un symbole) exerçant un fort attrait sur les étrangers, hommes d'affaires ou touristes.

Surtout, surtout, les relations avec le Pakistan, historiquement tendues, risquent d'évoluer au cours des mois qui viennent sur la corde raide. Or, celle-ci possède une sinistre particularité: à chacune de ses extrémités est attachée l'arme nucléaire... dont on se demande déjà si, à Islamabad, elle est toujours entre des mains responsables.

Le pire n'est jamais certain, bien entendu. Mais on peut affirmer que, comme tout acte de terrorisme, celui qui vient d'assombrir Bombay est un pas de plus vers le chaos.

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