La cyberintimidation fait du mal, surtout aux jeunes. Parfois même, elle tue. Au moins deux cas de suicide d'adolescents victimes de lynchage en ligne sont connus et documentés; l'une de ces affaires, qui a tué une adolescente de 13 ans, est actuellement débattue devant une cour criminelle de la Californie. Toutes les études, menées tant ici qu'aux États-Unis ou en Europe, indiquent que la cyberintimidation croît au même rythme que se raffinent les outils technologiques qui la permettent.

Aujourd'hui, prend fin la sixième Semaine de sensibilisation à l'intimidation.

Il s'agit d'une initiative canadienne qui porte une attention particulière à la version virtuelle du phénomène (exposé sur le site cyberbullying.ca, animé par le professeur albertain Bill Belsey, aussi à l'origine de l'événement annuel). On y propose des solutions surtout liées à l'action de la famille et de la communauté.

 

Ces solutions ne sont pas parfaites, bien sûr.

Elles comptent essentiellement sur la conscientisation et la bonne volonté. Le cadre légal qui pourrait permettre la répression de la cyberintimidation n'est pas au point, en effet. Pas plus que n'est praticable le contrôle des échanges virtuels par des administrateurs de sites comme, par exemple, MySpace ou Facebook. De sorte que ces solutions reposent largement sur un changement de mentalité des adolescents... ce qui, chacun le comprend, n'est pas facile.

Il faut pourtant y travailler.

Tous sont désormais conscients des dangers de l'ordinateur pour les jeunes. Mais, dans le cas de la cyberintimidation, ce n'est pas la machine (l'ordinateur, ou le téléphone portable, ou le BlackBerry, ou ce qui sera inventé demain) qui pose problème: on peut harceler sans se servir d'outil d'aucune sorte, c'est d'ailleurs tout aussi fréquent.

Ce qui est fondamentalement en jeu, c'est l'éducation morale des jeunes.

Le sujet est délicat car il dégage une odeur de vieille soutane - pourtant, les dieux n'ont rien à voir là-dedans. Et surtout, il réfute la thèse postmoderne de l'omniscience innée des enfants, qu'il ne s'agit plus d'éduquer et d'instruire, mais d'accompagner d'égal à égal sur la route transversale de la compétence spontanée et de l'estime gratuite de soi, persistante lubie sévissant dans les hauteurs socioconstructivistes de Québec.

Or, dans la vraie vie, ça ne marche pas.

Jean-Jacques Rousseau avait tort: le mal existe à l'état de nature. La cruauté potentielle des enfants et des adolescents est un phénomène abondamment documenté. La conscience du mal infligé à son prochain n'est pas innée. Le devoir de lutter contre les tortionnaires n'est pas inscrit dans l'ADN des petits êtres humains. Tout cela doit être enseigné, démontré, appris, acquis.

En avril, la ministre de l'Éducation du Québec, Michelle Courchesne, a injecté 17 millions de dollars dans un programme destiné à contrer la violence à l'école, dont celle induite par la cyberintimidation. On ne peut pas être contre. Mais on peut prévoir que l'effet réel sera infinitésimal.

Après le sexe et la mort, qui ont successivement été les grands tabous entre parents et enfants, le thème du bien et du mal est celui qui persiste.

C'est celui qu'aujourd'hui, il faut briser.